Le Journal de Saône et Loire
Edition de Montceau - Creusot - Autun
Actu | près de chez vous, samedi 11 janvier 2025 856 words, p. CRAU18
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January 11, 2025 - Le Bien Public

Beaune

Pour déguster autrement, il appelle à « toucher » le vin

Manuel Desbois

Grâce à une méthode étonnante qui mêle dégustation à l’aveugle et un bouquet d’étoffes conçues spécialement pour l’exercice, Cyrille Tota prêche la parole du ‘‘Toucher du vin’’. Une création déjà commercialisée dans la capitale des vins de Bourgogne et qui va faire son chemin au sein des cités des vins de Beaune, Mâcon et Chablis.

À l’intérieur d’un coffret métallique, huit morceaux de tissu noir ainsi qu’un QR code, une adresse internet* et un numéro de téléphone. Un matériel bien mystérieux, dont le contenu s’éclaire rapidement quand il est bien expliqué. Juste avant les fêtes de fin d’année, Cyrille Tota, l’un des créateurs de cet outil baptisé “Le toucher du vin”, a dispensé une journée de formation au personnel de la Cité des climats et des vins de Bourgogne, à Beaune. Après l’Athenaeum, librairie du vin de référence située juste en face de l’Hôtel-Dieu, le fruit de douze ans de recherches s’apprête à être commercialisé au sein des trois cités, en Côte-d’Or donc, mais aussi à Mâcon (71) et Chablis (89).

« Jacky Rigaux disait toujours : “La structure du vin, c’est son étoffe” »

Âgé de 59 ans, Cyrille Tota, titulaire d’un DNO (Diplôme national d’œnologue) a pourtant consacré la première partie de sa carrière à l’Éducation nationale (EN). Diplômé de l’école normale et d’un DEA de sciences de l’éducation, il a été instituteur pendant quinze ans, avant de devenir inspecteur de l’EN. Une rencontre décisive va le faire revenir à ses premiers amours : celle avec Jacky Rigaux , grand défenseur de la dégustation géosensorielle , qu’il suit dans ses dégustations « dans les plus grands domaines. Forcément, quand on passe par là, on comprend mieux certaines choses. Son livre publié en 2012 était théorique et me laissait sur ma faim. Il m’a suggéré de me pencher sur les outils pour faire comprendre le lien entre un lieu et ce que l’on ressent en bouche avec le vin. Il disait toujours “La structure du vin, c’est son étoffe” ».

Citant également François Rabelais, qui évoque un « vin de taffetas, bien drapé de bonne laine » dans Gargantua, ou encore l’artiste dijonnais Henri Vincenot qui utilisait le mot « dentelle », l’homme se revendique « tasterologue ». J’apprends aux amateurs à déguster par le sens du toucher. »

Mais alors, comment ça marche ? D’abord, il faut se libérer du visuel et de l’olfactif, en mettant des chaussettes opaques autour des bouteilles à déguster, et verser les vins dans des verres noirs, qui cachent la robe des vins aux participants. La raison est simple : « 80 % de l’appréciation du vin est faite avant de goûter. Nous, on veut mâcher le nectar avant, afin de donner la primauté à la bouche. La bouche et les mains occupent une place prépondérante dans le cerveau, et les cellules réceptrices de la main sont de même nature que celles de notre palais ».

Huit étoffes soigneusement étudiées

Pour appuyer ce lien entre le sens du toucher que tout le monde connaît et celui de la bouche, huit étoffes noires (toujours dans le même souci de se départir du biais visuel) sont à disposition des dégustateurs, chiffrées de 1 à 8 et soigneusement étudiées. « De 1 à 4, nous avons reproduit les pôles texturaux principaux des vins. De 5 à 8, ce sont des nuances supplémentaires. Le vin est-il doux ou rugueux ? Tout le monde est capable de le dire. Est-il fin ou épais ? Si l’on prend les extrêmes d’un jus de pomme filtré et d’un jus de tomate, vous comprenez le principe. En dégustation géosensorielle, on parle de consistance et on la définit comme la quantité de matière quand on goûte et “touche” le vin », détaille Cyrille Tota, qui lors de la formation à la Cité des vins, a fait déguster de l’eau pour commencer, pour échauffer tout le monde.

Des notions qui s’accompagnent également de la souplesse ou encore de la température (ou la chaleur) des nectars dégustés, et qu’il faut à chaque fois associer à un, deux, voire trois des tissus de la liasse, avec en tête un moment clé : la finale. « C’est elle qui donne le “toucher” réel du vin. La texture évolue en bouche, et c’est la fin qui va donner envie de revenir au vin. C’est l’intensité de la salivation qui caractérise les grands vins, et ceux qui caractérisent un lieu. Quand vous êtes expérimentés, vous êtes capables de reconnaître le sol rien qu’en vous concentrant sur la salivation ».

+Web letoucherduvin.com. Rencontre et dégustation avec Florence Tilkens-Zotiades et Cyrille Tota autour des vins grecs et du “toucher du vin”, samedi 11 janvier de 16 à 18 heures, à l’Athenaeum, 5 rue de l’Hôtel-Dieu à Beaune. Inscription par courriel à [email protected] .