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En renonçant à baptiser un sous-marin «Azincourt», la Royal Navy a-t-elle cherché à ménager la susceptibilité française ?
Hugues Maillot
D’abord baptisé « Azincourt» , humiliante défaite des chevaliers français contre les archers anglais en 1415, le septième sous-marin britannique de la nouvelle classe Astute sera finalement nommé Achilles .
Ce genre de revirement est assez rare pour être souligné. En 2018, la Royal Navy avait décidé, avec l’accord de la reine Elizabeth II , de baptiser « HMS Agincourt» le dernier sous-marin nucléaire d’attaque de la nouvelle classe Astute. Ce nom faisait référence à la bataille d’Azincourt , humiliante défaite des chevaliers français contre les archers anglais, en 1415. Mais dimanche 26 janvier dans la soirée, la marine de sa Majesté a annoncé sur X l’avoir finalement renommé Achilles , héros grec légendaire de la guerre de Troie .
Pourquoi cette volte-face, six ans plus tard ? La Royal Navy juge ce nom «approprié, à l’heure où nous célébrons les 80 ans de la Journée de la Victoire en Europe, et de la victoire contre le Japon» , respectivement le 8 mai 1945 et le 15 août 1945. Le submersible devrait entrer en service à l’horizon 2026. Six navires britanniques ont porté le nom d’ Achilles avant lui, dont un croiseur léger victorieux en 1939 de la première bataille navale d’envergure de la Seconde Guerre mondiale, sur le Rio de la Plata, et de la bataille d’Okinawa , contre la marine japonaise, en juin 1945.
Une décision diplomatique ?
Mais ce rare changement de nom masque-t-il en réalité une décision diplomatique ? En janvier 2024, le tabloïd anglais Daily Express révélait que des officiels britanniques avaient réfléchi à changer le nom du navire par «crainte de contrarier les Français» . La bataille d’Azincourt avait en effet tourné à la déroute pour les chevaliers français, pourtant supérieurs en nombre, mais terrassés par les archers anglais. 6000 hommes avaient trouvé la mort côté français, contre seulement 600 côté britannique. Véritable tournant dans l’art de mener la guerre, cette bataille avait marqué le début de la suprématie des armes de distance et un changement de doctrine militaire.
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Dans cet article, le Daily Express rapportait également des propos du secrétaire à la Défense britannique, Grant Shapps, cité par des sources gouvernementales, qui avait qualifié ces demandes de changement de nom de «ridicules» . «Les Français sont de proches alliés et le restent en raison de notre longue histoire commune, c’est une relation qui ne sera pas affectée par le nom d’un navire» , aurait-il ajouté. «Il est tout à fait approprié de donner à un navire de guerre le nom d’une grande victoire militaire» , avait également jugé le porte-parole de la Royal Navy.
De fait, la France ne s’est jamais privée, elle, de nommer ses navires du nom de grands ennemis de l’Angleterre. Sa dernière classe de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) porte ainsi le nom de Pierre André de Suffren , vice-amiral français qui a mené la marine française à d’éclatantes victoires contre la toute-puissante Royal Navy dans les Indes et aux Caraïbes, durant la seconde moitié du 18e siècle. À l’époque, les officiers anglais le surnommaient «l’amiral Satan» . Une frégate de la classe La Fayette porte également le nom de Robert Surcouf , le plus célèbre des corsaires français, qui harcela les marines marchandes et militaires britanniques au début du 19e siècle.
De nombreuses références à des batailles franco-anglaises
De son côté, la Royal Navy a nommé cinq navires du nom d’Agincourt (la traduction d’Azincourt en anglais) par le passé. La précédente classe de sous-marins britanniques, mise en service dans les années 1980, avait également été baptisée Trafalgar, du nom de la défaite franco-espagnole contre l’amiral Nelson, en 1805. Le cinquième sous-marin de la nouvelle classe Astute , celle du HMS Achilles , a hérité du nom Anson, en référence au vice-amiral George Anson, commandant des flottes engagées contre la France pendant la guerre de Sept Ans. Les deux pays n’ont jamais eu de scrupules à baptiser leurs navires du nom de batailles ou de marins qui ont fait la gloire de leurs armées.
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La classe Astute manque néanmoins de cohérence. Les quatre premiers sous-marins, progressivement mis en service depuis 2010, ont reçu des noms plus consensuels, faisant référence à des adjectifs guerriers : le HMS Astute (astucieux), Ambush (embuscade), Artful (rusé) et Audacious (audacieux). Le sixième, mis en service en 2024, a été baptisé HMS Agamemnon , héros grec comme Achille.
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This article appeared in Le Figaro (site web)