Il y a dix ans, il survivait au crash d’un F-16
Maxime MAINGUET.
Le 26 janvier 2015, un avion de combat s’écrasait sur une base espagnole, lors d’un exercice. Bilan : onze morts, dont neuf Français, et plusieurs blessés. Parmi eux, le mécanicien Franck Poirot.
Témoignage
Il est un peu plus de 15 h, ce lundi 26 janvier 2015, quand un F-16 grec engagé dans un exercice de l’Otan à Albacete (Espagne) manque son décollage et s’écrase sur d’autres appareils. L’accident fait onze morts, dont neuf Français, et de nombreux blessés. Parmi eux : Franck Poirot, 29 ans à l’époque.
Lorsque le F-16 grec se présente sur la piste, le mécanicien est « sur le parking avions, parallèle à la piste de décollage ». Il y veille sur deux Mirage-2000 . L’équipage du premier est déjà à bord. Appuyé sur l’avion, le mécanicien attend l’autre équipage. Lorsqu’il apparaît, le jeune homme se rapproche du second Mirage .
« J’ai eu beaucoup de chance »
Il entend alors « une explosion sur [sa] gauche ». Le F-16 grec vient de décoller mais, à cause d’une erreur du pilote dans le suivi de la procédure de départ, l’avion vire sur sa droite. L’accident apparaît vite inéluctable. « Cette explosion, c’était l’éjection de l’équipage du F-16 . »
Puis, poursuit-il, « l’avion a tapé le sol entre la piste de décollage et notre tarmac, continué sa course au sol et percuté le Mirage sur lequel j’étais appuyé dix secondes auparavant. J’ai à peine eu le temps de me baisser qu’une explosion me projetait dans le train d’atterrissage du second avion. »
Son réflexe lui a donc permis d’éviter les ailes. « Sinon j’étais décapité. Et j ’ai eu beaucoup de chance, parce que l’avion m’a protégé d’une boule de feu passée au-dessus de lui. » Sous le second Mirage-2000 , le mécanicien voit des flammèches tomber du fuselage. Gravement blessé aux jambes et aux mains, il rampe pour s’extraire du piège, bientôt aidé par deux autres mécanos, qui le hissent sur des extincteurs puis le tirent.
« J’avais la vue sur ce qui se passait, sur les mecs en feu. »
Il est récupéré par un véhicule américain. Plusieurs blessés s’y trouvent. Franck Poirot est installé à côté d’un autre Français. « Au début, je ne l’ai pas reconnu, tellement il était brûlé. » Il s’avérera plus tard qu’il s’agissait de son supérieur.
Deux ans de fauteuil roulant
Franck Poirot est ensuite conduit à l’hôpital. Commence alors une longue séquence d’hospitalisation et de rééducation. « J’ai fait deux ans de fauteuil roulant. » Et les séquelles de l’accident restent importantes. « Ils m’ont amputé d’un doigt, j’en ai deux qui ne marchent plus très bien et j’ai toujours des douleurs aux chevilles. J’ai du mal à rester debout longtemps, mais je peux marcher, même si je le paye après... »
« Je ne peux pas me plaindre, estime toutefois Franck Poirot. J’ai des collègues qui ont fait deux mois de coma. » D’autres ont perdu la vie. Lui a pu reprendre le cours de la sienne, en même temps que le chemin de la base. Il travaille désormais à celle de Nancy-Ochey (Meurthe-et-Moselle). « Réformé, j’ai été repris comme civil de la Défense, dans un bureau technique. J’étais entré dans l’armée pour porter l’uniforme et voir du pays, donc ça a été difficile à digérer. » Mais, conclut-il, « au moins, je rentre chez moi tous les soirs ».
This article appeared in Ouest-France