L'Humanité
lundi 20 janvier 2025 707 words, p. 16
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January 19, 2025 - L'Humanité (site web)

Giorgia Meloni ouvre la guerre scolaire

Lina Sankari

Italie Après avoir mis l'accent sur l'autorité et la discipline à l'école, la réforme des programmes place religion et identité au centre des savoirs.

La contre-révolution conservatrice de Giorgia Meloni avance par touches. Après avoir lancé les chantiers des réformes constitutionnelle et judiciaire, la présidente du Conseil des ministres italien s'attaque à l'instruction. Confiée au ministre de l'Éducation et du Mérite, Giuseppe Valditara (la Ligue), la mise au pas idéologique du système scolaire passe par la réforme des programmes des écoles primaires et secondaires, comme en Inde, en Pologne ou dans certains États trumpistes outre- Atlantique. En Italie, l'extrême droite fait de la religion et de l'identité les valeurs cardinales des nouveaux enseignements.

La réforme, qui entrera en vigueur à compter de l'année scolaire 2026-2027, introduit l'étude de la Bible en parallèle des récits mythologiques romains, grecs et nordiques, ainsi qu'une focalisation sur l'enseignement de l'histoire de la péninsule, de l'Europe et de « l'Occident ». « Nous prenons le meilleur de notre tradition pour une école capable de bâtir le futur », fait valoir Giuseppe Valditara, un ministre connu pour avoir imputé la violence sexuelle à l'immigration illégale. Un autre de ses chevaux de bataille idéologique réside dans le patriarcat, dont le dirigeant assurait qu'il avait disparu. Ainsi, l'enseignement de la Bible vise-t-il, selon le ministre, à « renforcer la connaissance des racines de notre culture ». Quid des autres monothéismes comme faits de civilisation et de la distinction entre savoir et croyance ? Pour Tommaso Martelli, coordinateur national de l'Union des étudiants, l'étude de la Bible répond à « un choix politique clair en accord avec les idées réactionnaires et conservatrices du gouvernement ».

L'abolition de la géohistoire, qui s'intéresse aux interactions entre les dimensions géographique et historique, considérée comme relevant de l'idéologie, s'inspire de la même démarche. L'histoire est avant tout conçue comme un roman national. Dans la même veine, la réintroduction du latin en cours facultatifs vise seulement à « créer un pont avec nos racines ». Dans un entretien à Euractiv, Ilenia Malavasi, députée du Parti démocrate, fustige la volonté de l'exécutif de faire de l'école un « outil de contrôle des masses ». L'étude de la poésie semble quant à elle conçue comme un simple instrument pour travailler la mémoire des élèves. « La proposition du ministre Valditara est une propagande dangereuse. À ce rythme, il faut s'attendre à la réintroduction de l'enseignement de l'économie domestique pour les filles », s'indigne Cristian Sesena, secrétaire général de la Confédération générale du travail italienne (CGIL).

généralisation de la télésurveillance

En septembre dernier, le Parlement se prononçait également pour la mise en place de notes de bonne conduite à l'école, réintroduisant une disposition similaire de l'Italie mussolinienne de 1924. Selon Giorgia Meloni, la mesure viserait à « rétablir le respect » à l'école. L'obtention d'une note équivalant à la moyenne ou inférieure à la moyenne vaudra redoublement pour les élèves qui échouent à la session de rattrapage. En 2023, le ministère de l'Éducation et du Mérite signait en outre un protocole avec l'état-major de la marine militaire afin de dispenser des formations aux professeurs.

Les élèves italiens participent régulièrement à « des stages auprès des forces armées ou des usines d'armement », relevait la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT française dans une note sur les politiques d'extrême droite. Face aux incursions des forces de l'ordre dans les établissements et à la généralisation de la télésurveillance, un observatoire citoyen contre la militarisation des écoles et des universités a été créé début 2023.

C'est enfin le souhait d'ouvrir l'école à l'entreprise qui inquiète les professionnels de l'éducation, qui y voient un moyen de faire des enfants de la chair à canon patronale. Assis sur un programme d'austérité, Giuseppe Valditara n'évoque jamais l'insuffisance des moyens ou la dégradation des conditions de travail des enseignants. En novembre dernier, des étudiants de Turin manifestaient contre le « gouvernement de guerre, de coupes (budgétaires) et des réformes universitaires », brûlant une poupée à l'effigie du ministre de tutelle. La mobilisation, qui a tourné à la bataille rangée avec la police, a suscité ce commentaire de Giuseppe Valditara : « L'école italienne n'a pas besoin de répliques des extrémistes des années 1970. » En l'espèce, la réactivation du souvenir des années de plomb ne vise qu'à miner un peu plus l'État de droit.