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Vannes, mardi 7 janvier 2025 743 words, p. OF Vannes_9

Le mythe d’Eurydice revisité en BD par Solen Guivre

Recueilli par Lionel CABIOCH.

En revisitant le célèbre mythe grec d’Orphée et Eurydice, l’illustratrice originaire de Vannes Solen Guivre et l’autrice Lou Lubie rendent le récit très actuel.

Entretien

Pourquoi avoir décidé d’illustrer le mythe grec d’Orphée et Eurydice avec l’autrice Lou Lubie ?

Parce que je fais partie de cette génération qui a forcément eu un passage « passion pour la mythologie » dans sa jeunesse. Au collège, j’ai dévoré la saga Percy Jackson donc je trouvais ça drôle que ma première BD soit une réécriture du mythe d’Orphée et Eurydice !

Quelles ont été les difficultés rencontrées pour illustrer ce mythe qui a déjà fait l’objet de beaucoup d’adaptations ?

Je pense que le gros challenge de réécrire un mythe qui a déjà fait l’objet de beaucoup d’adaptations est d’oser faire de nouvelles propositions visuelles comme scénaristiques. C’est d’oser sortir des sentiers battus pour apporter un autre point de vue sur le mythe. Dans notre cas, avec Lou Lubie, on ne voulait pas que le récit se passe dans la Grèce antique, on voulait explorer d’autres pistes, on a fait une grosse soupe avec ce qu’on voulait dire, les éléments phares du mythe d’origine, nos références et nos visions artistiques respectives.

En quoi ce mythe se prête bien au format BD ?

Parce que c’est une histoire sans suite. C’est un « one shot » issu de la tradition orale qui possède des personnages remarquables, des lieux connus et une notion de quête épique.

Quand on lit l’album on est parfois assez proche de l’heroic fantasy, c’est un parti pris ?

Complètement ! J’ai grandi avec les Thorgal de mon père, donc je pense que ça fait partie de mon ADN malgré moi !

Chaque planche a sa couleur dominante. C’est important d’avoir une harmonie entre les cases ?

Ça dépend des goûts de chacun, mais personnellement je pense que la couleur est un fort vecteur émotionnel et narratif. Je ne pense pas que ça soit essentiel d’avoir une harmonie colorée sur une même planche mais je pense que ça aide à la lecture, ça garde le lecteur dans le récit et ça fait joli à l’impression !

Comment décidez-vous de la couleur dominante de chaque planche ?

Dans mon processus créatif, je m’inspire du cinéma d’animation qui utilise ce qu’on appelle des « colorscript ». Ce sont des petits brouillons colorés de scènes d’un film qui vont servir à définir les différentes ambiances et messages des scènes du film. Par exemple : une scène triste aura un colorscript dans des teintes froides et grises, une scène de violence dans des teintes très dures et contrastées. Quand je lis le scénario j’ai directement des petites images colorées très floues qui me viennent en tête. Selon moi, le message d’une scène peut radicalement changer en fonction de la palette de couleur utilisée, un peu comme en musique où l’utilisation de différentes gammes d’accords peut complètement changer l’ambiance d’une mélodie.

En quoi est-ce un mythe encore très actuel à vos yeux ?

Malheureusement, je dirais que le mythe reste actuel à mes yeux dans son traitement des personnages féminins. Dans le mythe d’origine, Eurydice meurt mordue par un serpent alors qu’elle tentait de fuir son agresseur, puis elle se retrouve condamnée à jamais au royaume des morts parce qu’Orphée l’a regardée trop tôt. L’existence d’Eurydice est menée et est chamboulée par les actes d’hommes. Même si en 2024, il y a eu beaucoup d’avancées sur le droit des femmes en Occident, il reste encore beaucoup de travail à faire, on se doit de rester vigilantes et vigilants surtout quand on voit ce qu’il se passe actuellement aux États-Unis, par exemple.

Comment avez-vous travaillé avec l’autrice ?

Eurydice est une étroite collaboration avec l’incroyable et talentueuse Lou Lubie, on est vraiment sur une collaboration fusionnelle. On avait une réunion par semaine pendant deux ans pour discuter, retravailler, corriger et brainstormer sur la BD. Lou, qui portait cette histoire en elle depuis 17 ans, est la dramaturge et je suis sa metteuse en scène en quelque sorte.

Eurydice , éditions Delcourt, 24,50 €.

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