January 15, 2025 | - | Les Echos Week-End |
Une « Traviata » en demi-teinte à Nantes
La Traviata (de Giuseppe VerdiDir. Laurent Campellone. M.S. Silvia Paoli.A Angers Nantes Opéra A Nantes jusqu'au 21 janvier, à Rennes du 25 février au 4 mars et à Angers les 16 et 18 mars. 2 h 45 entracte compris.)
PHILIPPE VENTURINI
Si la mise en scène de Silvia Paoli, esthétique et pensée, ne manque pas d'atouts, la distribution se montre très inégale, pas toujours à la hauteur des exigences vocales et dramatiques de l'opéra de Verdi. On espère une montée en puissance en tournée de cette production d'Angers Nantes Opéra.
de Giuseppe VerdiDir. Laurent Campellone. M.S. Silvia Paoli.A Angers Nantes Opéra A Nantes jusqu'au 21 janvier, à Rennes du 25 février au 4 mars et à Angers les 16 et 18 mars. 2 h 45 entracte compris.
Pour moi, Violetta est une femme qui a péniblement gagné son indépendance, mais qui ne parvient pas à s'affranchir du jugement de la société qui l'entoure, de la bourgeoisie, si puissante, patriarcale et bigote », affirme Silvia Paoli. La metteuse en scène italienne a parfaitement résumé l'enjeu et l'intrigue de l'opéra de Verdi, à l'affiche de l'Opéra Angers Nantes.
Violetta, la « Traviata », celle qui est partie de travers, la demi-mondaine, la « dévoyée » selon la traduction communément admise, doit refuser l'amour sincère d'Alfredo. Le père du jeune homme ne peut en effet imaginer son fils s'égarer dans une telle liaison qui déshonorerait sa famille et risquerait de lui attirer les foudres du ciel.
Silvia Paoli a choisi de décaler le récit vers la fin du XIXe siècle, car elle fait de Violetta une actrice. Cela permet à Valeria Donata Bettella et à Lisetta Buccellato de concevoir de très beaux costumes et décors qui semblent échappés des tableaux de Vallotton et des Nabis.
La comédie humaine, celle des apparences, se dévoile également lors d'une scène de fête où règne la confusion des genres et des rôles. S'il ne révolutionne rien (chaque nouvelle production n'a d'ailleurs pas pour objet de renverser la table), ce spectacle se suit avec attention d'autant qu'il respecte le livret et épouse la trajectoire descendante de la vie de cette femme de « mauvaise vie » qui finit malade et seule.
Conçue dans le cadre triangulaire des villes d'Angers, de Nantes et de Rennes, cette production associe également Montpellier, Nice et Tours. Un bel exemple de ce que doit être désormais la vie lyrique en France : la participation de plusieurs entités à la circulation d'un projet artistique plutôt que l'addition d'idées concurrentes.
Les difficultés économiques, accentuées par des baisses de subventions parfois drastiques comme celle que vient de subir la région Pays de la Loire, incitent plus que jamais au partage et au dialogue.
Direction convaincue
On peut raisonnablement penser que, au gré des représentations, la distribution pourra changer. L'opéra de Nantes en affiche déjà deux. Celle que présentait la première appelle hélas des réserves. La soprano italienne Maria Novella Malfatti possède assurément les notes de Violetta, y compris dans l'aigu, en saisit le caractère et, par la subtilité de son expression, un peu tendue en début de soirée, en restitue très bien le parcours.
En comparaison, son compatriote, le ténor Giulio Pelligra incarne un Alfredo bien pâle, étroit de voix et de chant. Est-ce une méforme passagère ? On peut le croire car le timbre, délicatement velouté, en rien claironnant ou vulgaire, réserve d'indéniables possibilités, seulement entrevues ou devinées.
En revanche, on cherche en vain les qualités de Dionysios Sourbis, interprète de Giorgio Germont. Le baryton grec fait ainsi du père d'Alfredo un simple ronchon dépourvu de la duplicité de ce calculateur qui propose un marché à Violetta pour sauver sa réputation et ses finances.
Un peu hésitant après le lever de rideau, l'excellent Orchestre national des Pays de la Loire fait entendre de beaux solos (les bois) et des ensembles dynamiques, inspiré par la direction convaincue de Laurent Campellone.
Le Choeur d'Angers Nantes Opéra se distingue également par son implication dans cette anatomie d'une chute : c'est lui qui représente cette bourgeoisie étriquée dénoncée par la metteuse en scène.
Philippe Venturini