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Parti socialiste, jeudi 23 janvier 2025 - 08:00 725 words
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January 23, 2025 - Le Nouvel Obs

Le choc des deux gauches

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Pour la première fois depuis l'immédiat après-guerre, un début de convergence s'esquisse entre la gauche socialiste, le centre et la droite républicaine, non pour entreprendre la reconstruction du pays mais pour éviter sa chute.

Rien n'est encore acquis. Pour le fragile gouvernement Bayrou , le plus dur reste à accomplir : faire adopter d'ici à trois semaines un budget pour la France en évitant la censure des oppositions. Le chemin paraît semé d'embûches. Mais la décision des députés socialistes de ne pas s'opposer au Premier ministre après sa déclaration de politique générale du 14 janvier crée les conditions d'un soutien a minima qui peut devenir historique. Pour la première fois depuis l'immédiat après-guerre, un début de convergence s'esquisse entre la gauche socialiste, le centre et la droite républicaine, non pour entreprendre la reconstruction du pays mais pour éviter sa chute.

« Nous, on veut des conquêtes dès maintenant, pas dans deux ou trois ans » : le coup politique d'Olivier Faure

Les élus roses qui fondent leurs espoirs sur la promesse écrite de 14 concessions - parmi lesquelles le maintien de 4 000 postes d'enseignants, un milliard de crédits supplémentaires pour l'hôpital public ou la renonciation au déremboursement de médicaments - entendent demeurer constructifs « pour le bien des Français » . A gauche, ils ne sont pas les seuls. Bien qu'ils aient voté la motion de censure, écologistes et communistes continuent de se dire « ouverts » à la négociation. Jusqu'alors sous l'emprise de La France insoumise, voilà donc les partenaires du Nouveau Front populaire (NFP) potentiellement en passe de renoncer à un chimérique agenda de « rupture » pour privilégier des « avancées » dans le monde tel qu'il est.

Aux yeux de Jean-Luc Mélenchon et de ses partisans, de tels accommodements ne sont qu'un « plat de lentilles » et constituent une trahison des aspirations du peuple de gauche. Une résurgence du sempiternel débat entre révolutionnaires et réformistes ? En apparence seulement. Car le leader insoumis se montre plus préoccupé par son destin présidentiel que par le sort de ses concitoyens. Pourquoi s'obstiner sinon à aggraver un chaos institutionnel censé conduire à une présidentielle anticipée ? Les petites mains de son mouvement prospectent déjà pour rassembler les 500 signatures de soutien indispensables à sa candidature. Jean-Luc Mélenchon ou la caricature de la V République...

L'alliance électorale du NFP, conçue pour faire élire un maximum de députés de gauche aux législatives de juillet 2024, ne pouvait pas survivre à une telle ambition. Utile pour empêcher l'accès au pouvoir du Rassemblement national, le NFP a souffert de reposer sur un programme difficilement applicable par temps de crise. Sans chef accepté et sans majorité absolue, il a revendiqué l'exercice du pouvoir mais n'a pu s'ouvrir au centre gauche dont il avait pourtant capté une partie des voix. La radicalité revendiquée par Mélenchon l'avait par principe interdit.

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C'est donc le PS en solitaire qui s'est résolu à assumer ses responsabilités. N'a-t-il pas conçu la moitié des 42 derniers budgets de la nation et donc pris sa part, comme les autres partis de gouvernement, au creusement de sa dette ? Pour l'heure, les socialistes tordent le nez devant les coupes budgétaires qui s'annoncent. Mais peuvent-ils vraiment faire volte-face lors du prochain débat budgétaire comme ils menacent de le faire afin de maintenir leur pression sur l'exécutif ? Déposer une motion de censure, même de leur cru, reviendrait en définitive à donner raison à LFI, qui promet à son ex-partenaire une guérilla électorale aux municipales du printemps 2026. Il est donc impératif pour le PS que la méthode des petits pas fasse vite ses preuves.

Lors du « conclave » sur les retraites proposé par François Bayrou, les socialistes peuvent s'appuyer sur une CFDT résolue à « corriger » la réforme honnie de 2023. Compte tenu des prévisions de déficit que doit confirmer la Cour des Comptes, une renonciation au report de l'âge légal à 64 ans semble improbable. Mais le patron du Medef Patrick Martin a fait savoir « qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels on peut se mettre d'accord comme l'usure au travail » . Autant de progrès qui, selon un engagement de François Bayrou, pourraient être soumis au vote des parlementaires. Que décideraient alors les insoumis ou les lepénistes ? Refuseraient-ils d'améliorer un tant soit peu le sort des travailleurs ? Au nom d'une abrogation remise aux calendes grecques, il serait incompréhensible de rejeter une évolution ici et maintenant.

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