À Odessa, vivre et créer malgré la guerre
>> Accueil Rechercher Se déconnecter Abonné MME NUMEN SERVICES SCE CISION [email protected] N° abonné : J3934102 Offre papier Premium Echéance 17 décembre 2025 Je me réabonne Accéder au kiosque numérique Accéder à mon espace abonné Gérer mes newsletters Boutique Lire lhebdo Faire un don Mon compte Actualité ACTUALITE Société Géopolitique Écologie Solidarité Sciences Christianisme CHRISTIANISME Témoignage Église Bible Idées IDÉES Édito Chronique Débat Histoire Modes de vie MODES DE VIE Spiritualité Sens et santé Psycho Famille Loisirs Culture CULTURE Cinéma Littérature Spectacles Exposition Musique Télévision Services Voyages Évènements Amis de La Vie Guide Saint Christophe Petites annonces Boutique À propos Qui sommes-nous ? 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Marie Chaudey Publié le 24/11/2022 à 07h33, mis à jour le 24/11/2022 à 18h25 Lecture 12 min. >/g) || []; for (let script of scripts) { articleContent.replace(script, ''); const scriptEl = document.createRange().createContextualFragment(script); document.querySelector('.content-art').append(scriptEl); } document.querySelector('.bloc-payant').remove(); document.querySelector('.content-art').innerHTML = articleContent;; if (result.showcase) { $('#header >.bandeau-abo').show(); } }); }).catch(function (error) { console.log(error.message); }) } $(window).on('load', function () { let subscribed = getCookie('subscribed'); let statut = 'Payant' if (typeof subscribed !== 'undefined' && subscribed === 'false' && 1 === 1) { statut = 'Teaser'; } else if (typeof subscribed === 'undefined' && 1 === 1) { statut = 'Teaser'; } tag.page.set({ name: 'a-odessa-vivre-et-creer-malgre-la-guerre', level2: rubrique.level2, chapter1: 'lv0f' === 'hc0f' ? ch1 : rubrique.chapter1, chapter2: ch2, customObject: { Pagetype: 'article', Population: typeof subscribed === 'undefined' ? 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Drapés dans des bannières bleu et jaune, ils crient leur joie. « Chaque Odessite trinquera ce soir en famille, avec un espoir raffermi. Tout le monde en a besoin, avant de penser aux représailles russes qui vont suivre », explique Valentina, notre interprète, professeure de français. « Poutine naura pas ma peur. Mener une vie normale, cest résister, cest ne pas céder à la propagande russe. » La vie, malgré tout Au premier abord, cest vrai, la vie citadine paraît ici « normale ». Boutiques ouvertes, passants affairés. En arpentant les larges avenues pavées de la plus européennes des villes ukrainiennes, bordées darbres et délégantes bâtisses au charme suranné, on ne peut sempêcher de penser au rêve impérial russe de Catherine II à la fin du XVIIIe siècle et aux plans dessinés par des Français, à la cité si littéraire de lécrivain Isaac Babel, qui a croqué les petits artisans, gangsters et aventuriers cosmopolites de ce port ayant accueilli tant dimmigrants (Italiens, Grecs, Polonais, Tatars, Juifs de Galicie ou de Lituanie) La guerre est pourtant bien là. Impossible daccéder aux fameuses « marches Potemkine » immortalisées au cinéma par Eisenstein : larmée ukrainienne est déployée sur les lieux et interdit laccès au port. Ceinte de sacs de sable, la fameuse statue du duc de Richelieu (le premier gouverneur français dOdessa) ne peut être aperçue que de loin. Dès le début de la guerre, fin février 2022, la menace doffensive russe a été pressentie du côté de la mer. Mais, jusqualors, cest le ciel qui a convoyé les missiles de Poutine et ses drones iraniens (triste bilan de 80 victimes civiles odessites depuis les premiers jours du conflit). La nuit tombée, les rues du centre historique sont plongées dans le noir, autant pour la sécurité que pour les économies dénergie. Les immeubles dhabitation se contentent de quelques ampoules, ignorent le chauffage (la météo nest pas encore trop rude) et subissent à tour de rôle des coupures délectricité. Bien que le couvre-feu tombe à 23 heures, les restaurants poussent gentiment leurs clients dehors dès 21 heures, pour que leur personnel ait le temps de rentrer chez eux sans encombre. De labri en sous-sol à la scène Linsouciance et la dolce vita dont senorgueillissaient auparavant les habitants de la ville balnéaire paraissent lointaines. Mais le tempo de la guerre, ce sont les alertes aux bombardements qui le donnent. De jour comme de nuit, à une fréquence plus ou moins élevée, le long mugissement des sirènes retentit et hache le quotidien. Il nous surprend cet après-midi-là, alors que nous avons rendez-vous avec des artistes de lopéra dOdessa (joyau baroque construit au XIXe siècle par des architectes viennois). Direction labri en sous-sol, où une centaine de personnes sentassent et où nous mènerons linterview sous un néon blafard. Nul doute que le bunker a protégé les générations précédentes durant la Seconde Guerre mondiale. Et, 80 ans plus tard, le décor reste inchangé, mais chacun surveille du coin de lil lécran de son smartphone, où la messagerie Telegram montre en temps réel le périmètre menacé par les missiles russes sur la carte de lUkraine. « Le 24 février 2022 devait avoir lieu la générale de lopéra Kateryna , qui est finalement au programme aujourdhui même Malgré la menace des bombes, la culture ukrainienne demeure vivante, on fait face avec opiniâtreté. Notre front culturel tient, il est aussi essentiel que le front militaire », souligne la jeune soprano Yulia Tereshchuk. Avec toutes les difficultés que lon sait mais sur lesquelles personne ninsiste, on noublie pas que certains artistes sont en exil, dautres, sur le front. La soprano Yulia Terenshchuk qui tient le rôle titre de Kateryna. Marie Chaudey « Les deux premiers mois de la guerre, nous avons rempli des sacs de sable comme tout le monde pour protéger notre ville. Nous avons aussi interprété des chants traditionnels ukrainiens sur la plage pour donner aux habitants du cur à louvrage et organisé des concerts dans les hôpitaux », se rappelle le pianiste Igor Parada. En artiste citoyenne, Yulia Tereshchuk sest même rendue sur le front à Mikolaïv chanter pour les soldats. « Lopéra a réouvert, nous avons repris ensuite les répétitions car nous avons compris que les gens ont plus que jamais besoin dart et de spectacle, de quoi sévader pendant deux heures, de quoi renouer la vie davant, détaille le ténor Vladislav Goray. Nous sommes un opéra dans la grande tradition européenne, qui allie les compositeurs ukrainiens, tels Berezovsky ou Bortnianski, à Verdi ou Puccini. » Plus question pour linstant dinterpréter Tchaïkovski, tant que dure cette guerre menée par lancien pays frère, celui du Bolchoï et du théâtre Mariinsky. Aucun message de soutien des artistes russes nest parvenu jusquà Odessa, silence radio, regrettent les Ukrainiens. Seul le ténor garde un lien avec un ami moscovite : « Même ici, dans la guerre, je me sens plus en sécurité que lui sous la patte de Poutine » Une heure et demie plus tard, lalerte terminée, on remonte à lair libre pour assister à louverture de la saison lyrique (les représentations commencent désormais à 16 heures). La somptueuse salle à litalienne est comble, le tour de force, magnifique. Devant le rideau rouge, la présentatrice dédie le spectacle à « la victoire de Kherson », sous des salves dapplaudissements et de hourras. Tiré dune uvre de 1842 du poète national Taras Chevtchenko, lopéra Kateryna déploie alors sur scène ses fastes. La soprano Yulia Tereshchuk y tient le rôle-titre, celui dune héroïne ukrainienne au parcours tragique : amoureuse dun soldat russe, abandonnée et trahie Créer sous les bombes À quelques rues de là, odeurs de térébenthine et planchers qui craquent. Dans les couloirs décatis et les étages froids de lécole dart Grekov, des jeunes filles emmitouflées se pressent, toiles et cartons sous le bras. Fondé au XIXe siècle, létablissement réputé est resté dans son jus et la guerre na pas amélioré les conditions matérielles. Elle a fait augmenter les prix, des denrées alimentaires comme du matériel nécessaire. Plus de la moitié des étudiants sont partis à létranger, accueillis par des institutions allemandes ou roumaines, les autres essaient de tenir malgré les coupures de courant et les descentes dans labri : deux pièces calfeutrées par des sacs de sable, avec une réserve deau et où un coffre renferme des masques à gaz. Labri anti-bombardement, en sous-sol de lEcole dart Grekov. Marie Chaudey Artiste et enseignant, Mykola Lukin a fait travailler ses élèves sur la manière dont la guerre les atteint et les change. Les uvres ont été rassemblées sous le titre Un silence plein de bruit, qui fait référence aux sirènes hurlant à nimporte quelle heure : « Même quand il ny a pas dalerte, nos oreilles restent aux aguets. Sous la menace, le silence nexiste plus. Lintranquillité prend toute la place. » Aleksandra, 19 ans, réfugiée du Donbass avec sa mère et sa sur (son père est resté sur place, à Louhansk), a brossé en triptyque de sinistres portes de bunker, images saisissantes de lenfermement. Karyna, 20 ans, a assemblé un tee-shirt, un soutien-gorge et un gant en latex : « Pas de corps, car la vie na désormais plus aucune valeur aux yeux de nos agresseurs », souligne-t-elle. Quant à Sofia, 18 ans, qui se dit si fatiguée de lincertitude quotidienne dans une guerre qui nest pas près de finir, qui lui vole ses projets et ses rêves, elle a peint, de dos, le corps nu dun jeune homme aux bras déployés imitant les ailes dun avion, entre équilibre précaire et émouvante fragilité. Obsédée quelle est par les bruits venus du ciel Mikola Lukin, artiste et enseignant à lécole dart Grekov, devant le coffre à masques à gaz de labri. Marie Chaudey Tous les créateurs que nous avons croisés à Odessa témoignent de londe de choc de la guerre sur leur travail. Dans son atelier à moitié vide, le peintre Igor Gusev nous présente une modeste valise pleine de dessins. Célèbre pour ses toiles dont tous les sujets finissent en coulures qui ressemblent à des codes-barres, lartiste coté sur le marché international avoue navoir plus été capable de poursuivre sa « peinture métaphysique » depuis fin février 2022. « L'idéologie arrogante et solennelle du régime russe actuel » Avec un humour typiquement odessite, il a pourtant réussi à relever la tête en dessinant chaque matin une petite composition graphique sur des couvertures arrachées à de vieux livres bradés sur marché aux puces. Toujours en réaction à lactualité de la guerre. Des uvres très appréciées sur Instagram. Le jour de septembre 2022 où les drones iraniens ont été abattus à Odessa par la défense ukrainienne, il a ainsi dessiné une fronde avec ce commentaire : « Viens par ici, espèce de Mobylette. » Aujourdhui, il substitue des éléments dans des tableaux célèbres : en référence aux troupes russes qui pillent les territoires occupés, il a mis une machine à laver à la place dune comtesse dans une copie dune célèbre toile de Sourikov : « Le contraste est terrible entre lidéologie arrogante et solennelle déployée par le régime russe actuel et la sordide réalité du terrain », précise lartiste. Sa riposte, cest lhumour mordant, marque de fabrique locale et tradition séculaire. Lui-même est né dun père russe et doit composer avec une réalité en train de changer dans une ville auparavant largement russophone : « Ma langue maternelle est le russe, ce nest pas facile de me mettre à lukrainien. Mais je sais que larme culturelle est importante, il me faut oublier pour le moment la culture russe, on y reviendra plus tard. Je dirais quen pourcentage je me sens désormais 60 % ukrainien et 40 % russe Et il marrive de plus en plus de rêver en anglais. » La langue ukrainienne en première ligne Au café bohème Antika, lun des seuls à être resté ouvert depuis les bombardements des premiers jours du conflit (les vitres demeurent protégées par de mornes panneaux de contreplaqué, qui contrastent avec les toiles colorées de jeunes artistes accrochées à lintérieur), Maksim Finogeev, 35 ans, raconte comment la guerre a totalement remis en question son travail de photographe dart et de mode. Dabord figé par la sidération et incapable de se concentrer sur quoi que ce soit, il a accepté de devenir fixeur pour des photoreporteurs de lagence Magnum. Sur la ligne de front, il a tenu un mois, confronté à plus de violence quil ne pouvait en endurer : « Le jour où je me suis retrouvé à la morgue de Mykolaïv aux côtés dune mère condamnée à reconnaître le corps mutilé de son fils grâce à ses chaussettes, jai décidé de rentrer à Odessa. » Le jeune photographe Maksim Finogeev au café Antika. Marie Chaudey Il y piste depuis les traces visibles et invisibles de la guerre, le traumatisme sous la surface du quotidien. Le jeune artiste sest mis à lécoute de ses émotions et de ses terreurs, compulse des études sur le fonctionnement du cerveau humain, la manière dont notre ordinateur intérieur scanne les dangers extérieurs, comment il gère intimement une vie sous le signe de la menace qui peut surgir nimporte où et nimporte quand Les blessures cachées de ses concitoyens, le poète Boris Khersonsky, 72 ans, les sonde depuis longtemps, lui qui est aussi psychiatre et thérapeute. Avoir trouvé refuge en Italie depuis le mois de mars 2022 ne lempêche pas dêtre relié à longueur de journée à son pays. Il continue de dispenser ses cours de psychiatrie à luniversité de Kiev et à tenter de soulager inlassablement les traumas dus à la guerre, en particulier chez les jeunes militaires et volontaires qui peuvent le joindre à toute heure. Il nous parle via Internet, sa longue barbe blanche de mage tremblotant à lécran, en gardant un il sur les messages urgents de ses patients en détresse. Sa bonne ville dOdessa lui manque, il y a laissé son âme, cest-à-dire sa bibliothèque et ses chats sous la garde dune voisine dans le quartier de la Grande-Fontaine. Et il essaie den plaisanter, contraint par les circonstances à répéter finalement un parcours que tant dautres ont fait avant lui : « Odessa est une ville de nomades, un port dont les écrivains sont toujours partis On y est fier de ses racines mais cest pour mieux sen éloigner. » Lui-même appartient à la catégorie des intellectuels universels et inclassables. Issu dune vieille famille juive allemande, Boris Khersonsky est un russophone qui sest converti il y a des décennies à lorthodoxie et se sent aujourdhui profondément ukrainien : il se présente désormais comme un poète bilingue (ses quatre derniers recueils et un de ses essais ont été rédigés en ukrainien). « Jai appris cette langue à 8 ans sur les conseils pragmatiques de mon père et même de ma grand-mère, qui mexpliquaient que nous vivions sur le territoire de lUkraine. Jai connu la russification dOdessa dans ma jeunesse, et je suis témoin dans mon vieil âge de sa dérussification. En voulant soi-disant protéger la culture russe, Poutine est en train de la tuer. » Ardemment européen, le poète ne défend pas lukrainisation à marche forcée telle que prônée par certains militants zélés, qui souhaitent voir détruit le monument de Catherine II au cur de la ville ou certains noms de rue changés : « Odessa a eu un passé impérial quil faut accepter. Et elle aura un futur ukrainien quil faut construire de manière pacifique. » Plus européens que jamais La libraire Galina Dalnik, la cinquantaine énergique, se retrousse les manches pour aider à bâtir cet avenir-là. Elle tient boutique sur le boulevard animé qui mène au marché Privoz (le plus vaste dUkraine et une institution odessite) où nous la retrouvons un dimanche à midi. Sur la porte de sa chaleureuse librairie, une affichette prévient : « Personne ne se moque ici des russophones qui font leffort de parler ukrainien. » À lintérieur, les étagères de livres (des albums colorés pour les enfants, des traductions de romans étrangers, des essais sur lhistoire ukrainienne, une biographie de Churchill) côtoient un petit salon de thé très fréquenté. Derrière le comptoir, cest une jeune femme réfugiée du Donbass qui sert les tasses fumantes. Galina Dalnik, elle, partage une discussion avec cinq ou six amis réunis autour dune table. Ils appartiennent tous à lÉglise grecque-catholique ukrainienne, rattachée à Rome mais de liturgie orthodoxe. Parmi eux, Eugène, un juriste, qui porte un treillis militaire. Membre dune brigade de volontaires, il est rentré du front pour une permission de deux jours. Il confie combien la victoire de Kherson est pour lui tempérée par la conscience aiguë du nombre des victimes tombées au combat. Une religieuse tout juste arrivée de Kiev, sur Irena, raconte linlassable travail de la Caritas qui épaule, loge, nourrit les familles réfugiées et tant de gens qui ont perdu leur travail. Ce qui réunit aujourdhui Galina et ses amis prend des airs de petite révolution : en faisant pression sur leurs autorités paroissiales, il est question pour eux cette année de fêter Noël non plus le 6 janvier, en même temps que les autres orthodoxes, mais le 25 décembre Galina Dalnik nen démord pas : « Ce sera une preuve que nous sommes de vrais Européens, un puissant symbole ! » Contre limpérialisme russe À la Bibliothèque nationale scientifique dOdessa, la plus ancienne bibliothèque publique dUkraine, bâtisse néogrecque qui est gardée comme une forteresse, nous entendons le même credo. Sur ses cinq millions et demi de livres et documents mis à labri veille une femme au caractère bien trempé, qui garde en tête les destructions et pillages russes dans les zones occupées, les autodafés de livres en langue ukrainienne. Iryna Biriukova nous guide dabord vers la spectaculaire salle de lecture à colonnes aujourdhui fermée (lampes de travail remisées, sièges protégés). La splendide salle de lecture de la Bibliothèque nationale scientifique dOdessa, vidée en raison des bombardements. Marie Chaudey Les chercheurs, enseignants et étudiants, ont désormais principalement accès aux ouvrages grâce à Internet. La numérisation sest accélérée, sous légide de lUnesco et avec le soutien de près de 30 bibliothèques étrangères partenaires, principalement européennes. « Notre mission est de tout conserver, de garantir laccès au savoir de la population : nous nabandonnerons pas cela à la guerre. Quand les jeunes ne lisent pas et nétudient pas, le temps perdu est impossible à rattraper. » La splendide salle de lecture de la Bibliothèque nationale scientifique dOdessa, vidée en raison des bombardements Marie Chaudey Alors que certains de ses collaborateurs ont préféré un exil quils espèrent temporaire, la vaillante directrice ne séloigne que de manière très brève de son trésor, pour un déplacement à Vienne ou à Tbilissi : « Jen profite peu : la guerre, on la transporte avec soi. La résistance ne peut sinterrompre, elle doit se poursuivre au moyen de notre unique arme : les livres. Ma place est ici. » Contre « limpérialisme russe », elle brandit louvrage publié en 1650 par lingénieur franco-polonais Guillaume de Beauplan qui fut le premier cartographe de lUkraine : il est intitulé Description dUkranie qui sont plusieurs provinces du royaume de Pologne. Contre la propagande poutinienne qui nie lidentité et la langue ukrainiennes, elle dégaine le conte Maroussia datant de 1834. « À la violence dune certaine culture russe, nous opposons la connaissance et la liberté obstinée », affirme Iryna Biriukova, qui nous offre au moment de notre départ une petite cloche peinte de lartisanat traditionnel ukrainien : « Nous craignons la lassitude des opinions publiques européennes. Faites entendre lécho de nos voix ! », insiste celle qui se vit non seulement comme la gardienne dun patrimoine ukrainien mais aussi mondial. Festival Un week-end lEst Jusquau 28 novembre 2022 à Paris, retrouvez plus dune centaine décrivains et artistes ukrainiens venus dOdessa ou originaires de la ville, en concerts et en débats. Les poètes Boris Khersonsky et Ilya Kaminsky sont respectivement linvité dhonneur et le parrain de cette édition. Hommage et soutien à une cité éminemment culturelle, où sont nés lart abstrait avec Vassily Kandinsky, le théâtre datmosphère avec Anton Tchekhov, le roman davant-garde avec Isaac Babel, la poésie futuriste avec Vladimir Maïakovski et le cinéma expressionniste avec Sergueï Eisenstein weekendalest.com À lire Hommage à lUkraine, sous la direction dIryna Dmytrychyn et Emmanuel Ruben, Stock, 21,50 €. Un bouleversant recueil de textes dauteurs ukrainiens contemporains face à la guerre. La Vie aime beaucoup. A lire aussi : En Russie, la propagande est toujours plus forte que la réalité A lire aussi : Bernard Henri-Lévy tague ton nom Liberté ! A lire aussi : Constantin Sigov : « Ce qui se passe en Ukraine est scruté par les autres États autoritaires » A lire aussi : À Irpin, la lente reconstruction après le départ des troupes russes A lire aussi : Mgr Éric de Moulins Beaufort en Ukraine : « Il y a un risque de voir retomber la vague de sympathie du début de la guerre » Notre sélection d'articles sur le même sujet À Odessa, les livres comme seule arme contre l'agression russe Ces Russes qui ont fui à Erevan Bernard Henri-Lévy tague ton nom Liberté ! En Russie, la propagande est toujours plus forte que la réalité Constantin Sigov : « Ce qui se passe en Ukraine est scruté par les autres États autoritaires » À Irpin, la lente reconstruction après le départ des troupes russes Ukraine Littérature Art Résistance Marie Chaudey Édition de la semaine Lire le magazine numérique Newsletters de La Vie "La Vie Quotidienne", "Le choix de La Vie", "Regards chrétiens", "C'est ma foi", "Bonnes nouvelles", "Les Chroniques de La Vie", "Exclus web" : recevez tous nos articles d'actualité directement dans votre boîte mail. S'inscrire Dans la même rubrique « Tout sur Marie » sur Arte : une série documentaire captivante Arte diffuse le documentaire passionnant en deux épisodes réalisé par Isabelle Brocard sur l'histoire Quand les paquebots inspiraient les artistes Le Musée darts de Nantes prend la mer et ouvre lhorizon. 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