Loi sur la fin de vie : « François Bayrou doit mettre de côté ses convictions personnelles »
Loi sur la fin de vie : « François Bayrou doit mettre de côté ses convictions personnelles »
Alors que le Premier ministre François Bayrou a dit vouloir deux lois distinctes - l'une sur les soins palliatifs, l'autre sur l'aide à mourir -, le député Olivier Falorni, fer de lance sur le sujet, dénonce une manoeuvre dilatoire.
C'est un nouveau recul pour les partisans de l'euthanasie et du suicide assisté. Le Premier ministre François Bayrou a déclaré mardi 21 janvier vouloir scinder en deux le texte sur la fin de vie, avec une loi consacrée aux soins palliatifs et une autre sur l'aide à mourir. Olivier Falorni, député de Charente-Maritime (groupe Les Démocrates), rapporteur général du projet de loi dont l'examen a été stoppé en juin par la dissolution et qui a déposé le 17 septembre une proposition de loi sur la fin de vie, réagit à ces propos. Que pensez-vous des déclarations de François Bayrou ? Olivier Falorni Je ne suis pas d'accord avec lui. L'accompagnement de la fin de vie repose sur deux piliers complémentaires : les soins palliatifs, qui sont la réponse primordiale, et l'aide à mourir, qui est l'ultime recours. Ces deux volets doivent être abordés maintenant et en même temps - pas séparément et dans longtemps. C'est un tout cohérent. Seule l'entièreté du texte permet d'aborder la gravité du sujet. Les propos de François Bayrou vont non seulement à l'encontre de la position de la convention citoyenne dédiée à la fin de vie, mais s'opposent aussi à celle d'Emmanuel Macron et de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. Pour autant, il faut relativiser la portée de son annonce. François Bayrou l'a faite lors d'une discussion au débotté devant le groupe de députés Renaissance, il devait alors répondre à un flot de questions. François Bayrou a émis un avis, une suggestion. Ses propos ne sont pas une surprise. Je connais l'opinion de François Bayrou, qui diverge de la mienne : il est opposé à l'aide à mourir.
En quoi la scission du texte menace-t-elle l'aide à mourir ? C'est une stratégie limpide. Je ne fais pas le procès de François Bayrou, mais les défenseurs de cette idée misent sur une manoeuvre dilatoire. Tous ceux qui se félicitent de la division du texte sont en effet des opposants à l'aide à mourir. Le but est de voter d'abord rapidement le volet sur les soins palliatifs pour ensuite renvoyer l'aide à mourir aux calendes grecques. Mais pour l'heure, ces déclarations ont eu au contraire un effet « booster » : cinq signatures se sont ajoutées à la proposition de loi sur la fin de vie [qui prévoit une aide active à mourir, NDLR] que je défends. Au total, 240 députés issus de neuf groupes parlementaires allant de LFI au groupe LR l'ont signée, ce qui constitue un tour de force dans le contexte politique actuel. Peut-on au contraire imaginer que la loi sera votée plus vite, si elle est coupée en deux ? C'est un argument fallacieux. Rappelons au passage que la loi la plus importante pour les soins palliatifs est avant tout le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale). Les soins palliatifs ont besoin de moyens supplémentaires et leur développement passe d'abord par la stratégie décennale, qui leur attribue 100 millions d'euros par an. Quand on dit qu'il faut aller vite sur les soins palliatifs, le seul moyen de le faire est de voter le budget.
Sous quelle forme le débat sur l'aide à mourir peut-il reprendre ? Dans son discours de politique générale, François Bayrou a rappelé que la fin de vie était un sujet majeur de société. Or, cela fait maintenant près de deux ans que la convention citoyenne a rendu ses conclusions. Par ailleurs, le Premier ministre a évoqué la nécessaire collaboration entre les pouvoirs législatif et exécutif. S'il doit y avoir un débat sur la fin de vie, cela passera évidemment par une proposition de loi, on n'imagine pas le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau [qui s'est dit opposé à l'examen du texte] déposer un projet de loi sur le sujet. La séparation des deux textes pourrait remettre en cause les débats apaisés qui se sont tenus à l'Assemblée au mois de juin. Je ne voudrais pas qu'une scission entraîne un vote unanime sur un texte finalement réduit sur les soins palliatifs et hystérise au contraire le débat sur l'aide à mourir. François Bayrou doit mettre de côté ses convictions personnelles et réinscrire ma proposition de loi à l'agenda de l'Assemblée, comme l'avait fait avant lui Michel Barnier, qui n'est pourtant pas un militant de l'aide à mourir.
This article appeared in Le Nouvel Obs (site web)