Dans l’Amérique de Trump, l’invention architecturale a de beaux jours derrière elle
Fini l’architecture de béton de l’après-guerre, place aux bonnes vieilles colonnades néoclassiques. En imposant un style officiel pour les bâtiments publics fédéraux, le président américain se comporte en adversaire de la liberté de création.
Les édifices publics américains devront désormais « être visuellement identifiables comme des bâtiments civiques et respecter le patrimoine architectural régional, traditionnel et classique afin d’élever et d’embellir les espaces publics ». Ainsi en a décidé « brutaliste » et « déconstructiviste », qu’il juge laide et incapable de symboliser l’efficacité de la puissance publique.
Place donc aux frontons et aux colonnades façon Capitole ou Maison-Blanche. On se croirait revenu au temps de Hitler confiant à son architecte Albert Speer le soin de figer le Reich de mille ans dans un style gréco-romain mastoc. Ou au kitsch pompeux de l’époque stalinienne.
Certes, le brutalisme, cette architecture de l’après-Seconde Guerre mondiale ainsi nommée par son usage du béton brut et son goût pour les formes massives, est rarement réussi. Construite en 1968, la mairie de Boston, par exemple, mauvaise copie du couvent Sainte-Marie de la Tourette signé Le Corbusier, est ainsi très controversée. Et l’immeuble abritant les services du gouvernement dans la même ville a l’air aussi aimable qu’un blockhaus. Les architectes de l’époque ont eu la main lourde. Pour Trump, leurs œuvres incarnent exactement la bureaucratie qu’il souhaite éradiquer.
Mais le néoclassicisme vu et revu partout dans le monde occidental, du Buckingham Palace de Londres aux expérimentations de Ricardo Bofill en banlieue parisienne, n’est pas plus satisfaisant. Répéter sans cesse des colonnes grecques signifie la mort de l’invention, l’incapacité d’envisager l’avenir, l’enfermement dans un passé idéalisé. C’est d’ailleurs ce qu’a répondu à Trump l’Institut américain des architectes , pour lequel soumettre la profession à un style d’État ne ferait que créer de nouvelles contraintes bureaucratiques.
Quant à l’argument du patrimoine, il faut se souvenir qu’à partir des années 1950 les Américains ont systématiquement massacré leurs villes denses à l’européenne pour les adapter à l’automobile. Des quartiers entiers ont été rasés pour laisser place à des autoroutes urbaines, des parkings et des gratte-ciel. Ce désastre urbain et patrimonial, l’ancien promoteur immobilier Donald Trump n’y est pas pour rien.
This article appeared in Télérama (site web)