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dimanche 19 janvier 2025 - 18:37:41 -0000 1114 words

Musique : Franz Ferdinand affronte ses peurs avec son sixième album, "The Human Fear"

Gaele VALERY

Musique : Franz Ferdinand affronte ses peurs avec son sixième album, "The Human Fear"

Les années passent, les groupes défilent et si bon nombre des formations à guitare arrivées par vagues au début des années 2000 se sont éparpillées ou ont tout bonnement rangé leurs instruments au grenier, Franz Ferdinand est encore là. Toujours vivant, toujours debout... On connaît la chanson.

Il était dit qu'Alex Kapranos et ses acolytes n'avaient pas écumé les bas-fonds de Glasgow pour tourner de l'œil à la moindre embûche, qu'elle soit commerciale, artistique ou d'ordre personnel. Right thoughts, right words, right action , clamaient-ils en 2013. Le slogan était devenu le titre d'un quatrième album impeccable. Le dernier du combo dans sa formation d'origine si l'on met de côté FFS, en 2015, le disque ayant été enregistré avec les Sparks. Après ça, le guitariste Nick McCarthy décidait de se mettre en retrait pour se consacrer à sa famille et monter un nouveau projet musical, Manuela, avec son épouse.

La pochette de "The Human Fear" est directement inspirée de l'autoportrait "7 Twists" de l'artiste hongroise Dóra Maurer. Doc CMMélodies accrocheuses

Le retour de Franz Ferdinand avec un nouvel effort, The Human Fear, constitue l'un des événements de ce début d'année. Parce que la musique du groupe insuffle, quelle que soit la direction prise, une certaine fraîcheur. Parce qu'on sait qu'on trouvera des mélodies accrocheuses, échappant souvent aux codes du songwriting. Rappelons tout de même que Take Me Out, morceau à tiroirs avec lequel l'ex-quatuor a explosé, proposait une structure alambiquée et ne rentrait dans le vif du sujet qu'après une grosse minute. Enfin, parce que Always Ascending, dernier exercice en date du désormais quintette, partait dans des sonorités club qui ont déstabilisé pas mal de monde. Encore aujourd'hui, l'écart de conduite reste mal perçu, sinon mal interprété. Il y avait pourtant une poignée de bonnes idées dans cette galette atypique mais les sept années* qui la séparent du millésime 2025 n'ont pas joué pour elle. Le temps ne bonifie pas tout.

Nouvelle unité

Avec The Human Fear, Franz Ferdinand rempile avec de bonnes intentions. La première d'entre elles est probablement de reprendre à peu près là où Right Thoughts, Right Words, Right Action s'était arrêté. Preuve en est le retour de Mark Ralph à la production.

Le gros changement de ce nouveau chapitre concerne, une fois de plus, le line up. Après Nick McCarthy, le batteur Paul Thomson, autre membre fondateur, a cédé sa place, depuis 2021, à Audrey Tait. Désormais, le musicien s'occupe de son label et a formé, lui aussi, un groupe (Polyester) avec son épouse.

De la formation d'origine ne subsistent qu'Alex Kapranos et le bassiste Bob Hardy. Pour autant, le groupe n'est en rien affaibli. Au contraire, la pochette, directement inspirée de l'autoportrait 7 Twists de l'artiste hongroise Dóra Maurer, met l'accent sur l'unité qui règne au sein du combo. Tait s'est installée derrière les fûts et a su trouver sa place, son groove apportant énormément aux nouveaux morceaux (Everydaydreamer). Une intégration réussie, au même titre que celles, à l'époque, de Dino Bardot (guitare, chœurs) et Julian Corrie (claviers, guitare, chœurs).

Spontanéité

The Human Fear explore ces peurs profondes que l'humain affronte tout au long de sa vie : La peur te rappelle que tu es vivant, explique Alex Kapranos. Je pense que nous sommes tous accros, d'une manière ou d'une autre, à l'adrénaline que la peur peut nous procurer. Notre manière de l'affronter reflète notre humanité. Voici donc une série de chansons à la recherche de ce frisson que l'être humain peut ressentir à travers ses peurs.

Par série de chansons , le chanteur et guitariste parle de morceaux déjà écrits au moment d'entrer en studio. Une manière pour le groupe d'enregistrer ensemble et ainsi de préserver une spontanéité qui frappe dès Audacious, lancé par un Here we go with Riff 1 qui n'est, pour l'anecdote, rien de plus qu'un bout de message vocal dicté par le chanteur. Une entame typique des Écossais, tout en up tempo, guitare fuzz à l'appui. D'emblée, FF s'affranchit des boucles d'Always Ascending pour dérouler une partition pop punchy dont ils sont capables de dessiner les croches les yeux fermés (Build It Up, The Birds).

Le retour de Franz Ferdinand avec un nouvel album constitue l'un des événements de ce début d'année. Fiona Tores

Dès les premières écoutes, The Human Fear rassure. Cela pourrait paraître étonnant de la part d'un disque avec une telle thématique mais sans doute faut-il y déceler les traces de cette adrénaline évoquée plus haut. Le rendu est, quoi qu'il en soit, souvent très bon (Night or Day, Bar Lonely), parfois excellent. Un titre comme le mélancolique Tell Me I Should Stay s'impose comme un classique instantané et permet au groupe de se glisser confortablement entre la pop orchestrale de Lee Hazlewood et les refrains ensoleillés des Beach Boys et autres Herman's Hermits.

Coffre chaleureux, riffs enlevés

Étonnant également ce Black Eyelashes et sa mélodie ciselée au bouzouki, rappelant les origines grecques de celui qui, au printemps 2023, est devenu Monsieur Clara Luciani à la ville. Une Clara Luciani qui s'est fendue de quelques chœurs çà et là et à qui s'adresse le robotique Hooked ("I thought I knew what love was/And then I met you/You got me hooked"), fort d'un riff épais comme une cuillère de purée d'amande, résultat d'une guitare branchée sur un clavier vintage.

Si Cats et The Doctor cèdent à la facilité sans, malgré tout, démériter, cela n'a guère de conséquence sur la bonne impression que laisse ce nouvel album. Bien sûr, il est difficile de le hisser au niveau des Franz Ferdinand ou You Could Have It So Much Better mais il renoue avec cette (apparente) simplicité qu'on aime dans le rock'n'roll du groupe sans que celui-ci ait complètement refermé le chapitre expérimental exploré avec le regretté Philippe Zdar (pionnier de la French Touch et membre du duo électro Cassius) sur l'effort précédent.

Coffre chaleureux, riffs enlevés, refrains immédiats... The Human Fear a le mérite de rappeler ce qu'on peut aimer chez Franz Ferdinand et pourquoi on l'aime. Que la peur ait pu en être un élément déclencheur, ou le fil rouge, ne fait qu'en renforcer les qualités. En bon provençal d'adoption qu'il est désormais, Alex Kapranos s'est peut-être, après tout, approprié ces mots d'un compatriote, en l'occurrence Alphonse Daudet : "Où serait le mérite, si les héros n'avaient jamais peur ?"

* La compilation Hits To the Head, contenant quelques inédits, est toutefois parue en 2022.

[Additional Text]:

La pochette de

Le retour de Franz Ferdinand avec un nouvel album constitue l'un des événements de ce début d'année.

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