Le Figaro, no. 25006
Le Figaro et vous, vendredi 17 janvier 2025 1882 words, p. 43

Le Figaro Scope

DRAGUIGNAN, CONTES ET LÉGENDES DE PROVENCE

AUX PORTES DU PARC NATUREL DU VERDON, LA CITÉ, ENTOURÉE DE COLLINES, ENTRETIENT SA CULTURE ANCESTRALE AINSI QUE SA PASSION POUR L'ART.

de Santis, Sophie

La Dracénie est une région oléicole, qui révèle toutes ses richesses sur la place du marché, le samedi matin. Le coeur battant de Draguignan, à deux pas de l'église Saint-Michel, embaume et vit au rythme des saisons. Huiles d'olive, vins et fromages sont autant de produits locaux que viennent vendre eux-mêmes les petits producteurs des alentours réputés pour leur terroir, depuis toujours. Une fertilité agricole qui serait liée à la légende d'un dragon d'eau inondant de ses colères la ville de Draguignan du haut de la colline Saint-Michel. Le dragon, poursuit la fable, fut terrassé par saint Hermentaire, saint patron de la cité, et « c'est aujourd'hui du vin qui coule à flots dans un écrin de verdure préservé au riche patrimoine » , peut-on entendre encore de nos jours. Dans le centre historique, en levant le nez, on s'aperçoit que les symboles de la légende du dragon demeurent sur les armes médiévales de la cité. Bâtie entre les XIIIe et XIVe siècles dans un amphithéâtre de montagnes, Draguignan, quatrième ville de Provence, est notamment connue pour ses deux écoles militaires, l'une d'infanterie et l'autre d'artillerie. Elle possède aussi des sites remarquables, comme la tour de l'Horloge, qui date de l'époque médiévale, des porches monumentaux et des vestiges de remparts. Si la ville a prospéré au fil du temps, en tant que préfecture du Var de 1800 à 1974, Draguignan a perdu son statut préfectoral au profit de Toulon il y a cinquante ans. Un « déclassement administratif » qui conserve le goût amer d'une « trahison politique » pour les Dracénois. Mais, loin de se résigner, ils redoublent de propositions culturelles pour continuer de faire vivre leur patrimoine, entre Verdon et Méditerranée.

« Passion Renaissance »

Au Musée des beaux-arts, c'est l'exposition « Passion Renaissance » (à voir jusqu'au 23 mars), qui occupe actuellement les cimaises. Le bâtiment, datant pour partie du XVIIIe siècle, a été remarquablement restauré durant six ans et a rouvert au public fin 2023. Au sommet du bel escalier, même si c'est une grande toile contemporaine (Orion et Cédalion, 1982) de Gérard Garouste qui accueille le visiteur, le parcours temporaire proposé s'intéresse bien aux artistes romantiques du XIXe siècle, qui ont été nourris par leurs aînés de la Renaissance. Ou comment le génie des grands noms, de Raphaël à Michel-Ange, a inspiré l'oeuvre de nombreux artistes, notamment français et italiens. Découpée en chapitres didactiques, la visite aborde des thématiques telles que « Raphaël ou le peintre amoureux » , où l'on peut voir, notamment, une représentation par Giuseppe Sogni de Raphaël et la Fornarina (avant 1836). Dans un autre volet : « François Ier, l'Italie à la cour de France » , c'est une magnifique toile d'Ingres, François Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci (1818), prêtée par le Petit Palais, qui marque les esprits. Parmi la trentaine d'oeuvres de qualité, on note cette superbe toile de Cesare Maccari Léonard dessinant la Joconde (1863), provenant de Sienne. Ou encore comment la solitude de Michel-Ange dans son atelier est imaginée par Alexandre Cabanel ( Michel-Ange visité dans son atelier par Jules II, vers 1856). Après cette riche exposition, ne manquez pas de parcourir les salles de la collection permanente (du XVIIe au XXe siècle). Quelque 150 pièces (peintures, sculptures), de Philippe de Champaigne à Charles Camoin, y sont admirablement accrochées. Tlj sf mar de 10 h à 18 h. Entrée : de 4 euros à 6 euros.

Musée des beaux-arts, 9, rue de la République. Tél. : 04 98 10 26 85. mba-draguignan.fr

Visites

1. « POLIS » À LA CHAPELLE DE L'OBSERVANCE

La superbe chapelle du XVIe siècle, de style gothique, désaffectée et formidablement restaurée il y a une vingtaine d'années, accueille l'art actuel (expositions et concerts) par la grande porte. L'exposition « Polis » (à voir jusqu'au 25 janvier) est une carte blanche au très créatif collectif Rose Selavy et plus largement au milieu du graffiti. « Polis » (« cité-État » en grec ancien) explore les frontières, visibles ou non, entre les mondes et les cultures. À noter, l'étonnant travail de canevas reproduisant des photos de guerre, comme des instantanés brodés par des grands-mères ou encore cet hommage aux paysages de Nicolas de Staël, par de grands aplats de couleurs. Loin des clichés, et au plus près de la création. Excellente médiation. Du mar au sam de 10 h à 17 h. Entrée libre.

2-86 mont du Rigoulier. Tél. : 04 94 84 54 31. ville-draguignan.fr

2. « JARDINS ET PALAIS D'ORIENT »

Partez en voyage à travers les jardins, les palais, les kiosques et mausolées du Proche-Orient, de la péninsule Ibérique jusqu'au subcontinent indien... Un périple initiatique jalonné de somptueux lieux de vie et d'objets qui font toujours rêver. L'exposition, conçue en partenariat avec le Musée du Louvre, met en lumière près de 200 pièces, dont quelque 150 chefs-d'oeuvre issus des collections du département des arts de l'Islam. À voir dans le cadre du bel hôtel particulier du XIXe siècle, entièrement réhabilité et rouvert depuis 2021, qui présente deux expositions temporaires par an. « Jardins et palais d'Orient » , jusqu'au 6 avril. Du lun au dim de 10 h à 19 h. Entrée : 5 euros et 3 euros.

Hôtel départemental des expositions du Var. 1, bd Maréchal-Foch. Tél. : 04 83 95 34 08. pleinsud.art

Où dormir ?

3. LE DOMINO

On entre ici comme dans une maison de ville chaleureuse, entièrement aménagée par Agnès, la propriétaire. Le lieu est abondamment décoré d'objets chinés, et les carrelages viennent de la céramique traditionnelle de Salernes, dans la région. Le grand escalier mène aux quatre chambres spacieuses donnant pour certaines sur un superbe patio verdoyant. Décor rétro, charme et confort dans les chambres sobrement équipées. Au petit déjeuner (un peu succinct), dans le joli salon, on profite de la clarté du jardin. Chambre double à 85 euros avec le petit déjeuner.

28, av. Lazare-Carnot. Tél. : 04 94 67 15 33. ledomino.fr

LE GABRIEL

Époustouflante, c'est l'adjectif qui convient le mieux à cette maison d'hôtes hors du commun. La bâtisse du XIXe (ancien relais de poste) perchée au sommet du village de Claviers, à environ trente minutes de Draguignan, est un écrin de bon goût créatif et de sérénité. Dans les dix pièces règne un esprit de convivialité. Grâce à l'oeil connaisseur des Belges Louis Leysen et de Charlie Lemeire, les trois suites et deux chambres prennent des allures de cocons douillets. Mobilier, objets, tissus et papiers peints de couleur apportent fantaisie (très maîtrisée) et charme à cette belle demeure. Le grand salon du rez-de-chaussée avec sa petite piscine en terrasse, très lumineux, permet d'admirer Bargemon, le village d'en face, et le paysage, tout en collines de ce coin très secret du Var. Chambre double avec petit déjeuner, 225 euros.

21, av. Gabriel-Péri 83830 Claviers. Tél. : 07 88 72 24 75. le-gabriel.fr

À table !

4. PULPE

La jeune Mathilde Crocé-Spinelli, issue d'une grande famille de viticulteurs de la région (domaine Saint-Esprit), trace son chemin avec cette petite cantine nouvelle génération, ouverte à l'été 2023. En salle ? Un décor sobre de carreaux ciment et mobilier en bois, flanquée d'une immense étagère murale dédiée aux vins. En cuisine ? Des chefs en résidence se succèdent tous les mois. Après Mathilde Estlimbaum (passée par Air de Famille à Paris et Amo à Marseille), place ce mois-ci à Manon Rouby et, le mois prochain, à Vincent Hardy. Selon les influences de chaque chef, la carte varie, mais reste inspirée par les produits du marché et de saison, végétarienne ou pas : chou farci aux champignons ou pulled pork en sauce sucré-salé. Les desserts, moelleux aux noix ou poire pochée, coulis choco pimenté. Pas de formule le samedi midi et le soir : entrée (8 euros), plat (15 euros à 20 euros), dessert (8 euros). Un conseil : suivre les recommandations de Mathilde (la patronne) pour le choix du vin de Provence ou d'ailleurs. Verre à partir de 5 euros. Tables en terrasse sur l'agréable place dès les premiers rayons de soleil. Bon à savoir : Pulpe propose un service traiteur pour des dîners hors les murs, à la Fondation Venet, au Muy, par exemple, non loin de Draguignan. Ouvert mar (midi) ; du mer. au sam. (midi et soir).

3, bd Georges-Clemenceau. Tél. : 04 83 11 84 15. pulpe.com

5. LES TROIS GARÇONS

Cette brasserie très familiale, ouverte 7 jours sur 7, est le coeur battant du centre-ville. Avec ses banquettes rouge vif et ses grands miroirs, l'adresse ne manque pas de charme. Dans l'assiette, des produits de saison : noix de saint-jacques sur une fondue de poireaux au beurre persillé en entrée (12 euros), dos de cabillaud au beurre blanc servi avec des ravioles de légumes (29 euros), mais aussi un classique tartare de boeuf (21 euros). Menus à partir de 39 euros. Derrière le grand comptoir de zinc, les serveurs vous accueillent avec un grand sourire.

10, bd Maréchal-Joffre. Tél. : 04 94 47 78 55. les-trois-garçons.com

Expérience

6. ATELIER ÉBÉNISTERIE

La longue rue de Trans, artère piétonne bariolée au sol de couleurs vives, est dédiée aux échoppes d'artisans. D'emblée, on s'arrête au n° 7 chez Éric et Sylvie Vivet. Ils ont quitté la capitale il y a sept ans pour s'installer en Provence. Éric Vivet, barbiche grisonnante et anneau à l'oreille, ébéniste et menuisier, passé par la formation de l'École Boulle, travaille dans son atelier à sculpter le bois d'olivier et de palissandre pour en faire des planches pour l'apéro. Il les grave de motifs et leur applique un vernis alimentaire. Parmi les petits objets à réaliser en sa compagnie : une toupie, un bijou en acacias ou un pied de meuble en arbousier, chêne ou hêtre. Ou encore une cuiller à miel. Après avoir sculpté et poli son objet, on le frotte à la cire d'abeille pour lui donner une patine naturelle. Atelier le samedi (1 h à 2 h, 30 euros) sur réservation. Pour deux pers. maximum.

7, rue de Trans. Tél. : 07 87 59 33 95.

7. ATELIER BOUGIE

Trop à l'étroit dans le même atelier, Sylvie Vivet a pris, quelques mètres plus loin, un autre petit espace pour fabriquer ses bijoux et bougies parfumées à la cire végétale. Elle source ses parfums (patchouli, lavande...) à Grasse et personnalise un certain nombre d'objets à la demande. Sylvie propose des ateliers plâtre (1 h, 12 euros ; 1 h 30, 16 euros) et bougie (1 h 30, 38 euros). Chacun repart ensuite avec sa composition. Sur réservation.

12, rue de Trans. Tél. : 07 87 59 33 95.

Excursion

CLAVIERS, LE VILLAGE PERCHÉ

Visiter Claviers reste une escapade privilégiée à une demi-heure de Draguignan, entre vignes et oliveraies. Filez à 400 m d'altitude par des routes en lacets pour y découvrir ce que les étrangers de passage nous envient tant, l'authenticité d'un village perché en Provence, cultivant encore quelques secrets. Avec seulement 720 habitants, ses rues pavées, son église Saint-Sylvestre, bâtie au XIVe siècle, puis enrichie d'un haut clocher au XIXe, Claviers déploie tout son charme auprès des visiteurs. Les plus curieux ne manqueront pas d'aller partager un verre au Cercle de la fraternité, qui réunit une communauté de boulistes, dont le QG n'est autre que le café installé sur la petite place centrale.

83830 Claviers. tourisme.dracenie.com