L'Est Républicain
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Meurthe-et-moselle, dimanche 26 janvier 2025 627 words, p. LUN4,PONT4,NAAB4

Nancy

Son salaire flambe : l’ex-directrice d’Ehpad jugée pour escroquerie

Christophe Gobin

L’ancienne directrice de la maison de retraite Saint-Joseph s’est retrouvée devant le tribunal pour s’être octroyé une hausse de 50 % de son salaire. Une escroquerie selon le substitut du procureur. Un rattrapage d’indice légitime pour la défense.

L’affaire remonte aux calendes grecques. Plus de 10 ans. Mais même si la Justice peut se montrer d’une lenteur d’escargot arthritique, elle finit quand même par arriver le plus souvent au but. Ce mercredi, l’ancienne directrice de l’Ehpad Saint-Joseph de Nancy, aujourd’hui retraitée, en a fait l’expérience.

Elle a eu la désagréable obligation de s’expliquer devant le tribunal sur sa spectaculaire augmentation de salaire de… 2011. En octobre, elle gagnait 2 900 € et le mois suivant elle est passé à 4 400 €.

1 500 € de plus par mois

D’un seul coup, elle a pris 1 500 € de plus, net par mois. Soit un bond salarial de près de 50 %. Pourquoi ? Une promotion ? Un changement de fonction ? Plus de responsabilité ? Non. Son salaire a explosé pour faire exactement le même boulot.

Cette augmentation substantielle s’est faite sans être votée par le comité d’administration de l’Ehpad géré par l’association des sœurs de la doctrine chrétienne et dans le dos de la sœur qui préside l’institution. La directrice a tout simplement demandé à la comptable de lui monter son indice.

« Un syndicaliste m’a informé qu’il fallait revoir l’application de la convention collective et j’ai demandé à la comptable de revoir tous les salaires », affirme l’ex-directrice. « Ce n’est pas ce qu’a dit la comptable aux enquêteurs », la contredit la présidente Batani.

Un déficit de 100 000 €

La comptable a en effet déclaré que sa supérieure lui avait demandé de rectifier une seule feuille de paie : la sienne. D’ailleurs un seul salaire a été revu et corrigé : celui de la directrice. Cela a été découvert deux ans plus tard, en 2013, lorsque la maison de retraite a affiché un déficit de 100 000 €.

Un audit a eu lieu et la sœur qui préside l’institution s’est rendu compte que le salaire de sa directrice avait flambé. « Cela a été ressenti comme une trahison. La prévenue avait toute la confiance de la présidente. Mais elle a profité de ses attributions et de la terreur qu’elle inspirait à ses subordonnées », estime Me Sophie Ferry, l’avocate de l’association qui gère l’Ehpad.

La juriste a sorti sa calculatrice et estimé que la directrice avait perçu 51 000 € de salaires indus jusqu’à son licenciement en février 2013. A cela s’ajoute un surplus lié à une ancienneté qui ne correspondait pas à la réalité. Sans oublier le supplément de charges patronales à payer. L’ardoise finale pour l’association se monte à 98 000 € selon Me Ferry qui en réclame le remboursement.

3 mois de prison avec sursis requis

Le substitut du procureur, Bruno Fleury, requiert, pour sa part, 3 mois de prison avec sursis pour « escroquerie ». L’avocat de la défense, Me Loïc Demarest, plaide la relaxe. Pour lui, le coefficient de salaire appliqué à la directrice lorsqu’elle a pris son poste en 2003 était « erroné ». Il était « trop bas » et son augmentation de 2011 ne serait donc qu’une juste rectification.

« Elle aurait même pu demander un rappel de salaire sur 5 ans de 180 000 €», ajoute Me Demarest. « Mais je ne l’ai pas fait car je ne suis pas procédurière », lâche la directrice. Droite dans ses bottes fourrées. Jugement le 19 février.