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À Odessa, vivre et créer malgré la guerre

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Marie Chaudey Publié le 24/11/2022 à 07h33, mis à jour le 24/11/2022 à 18h25 • Lecture 12 min. >/g) || []; for (let script of scripts) { articleContent.replace(script, ''); const scriptEl = document.createRange().createContextualFragment(script); document.querySelector('.content-art').append(scriptEl); } document.querySelector('.bloc-payant').remove(); document.querySelector('.content-art').innerHTML = articleContent;; if (result.showcase) { $('#header >.bandeau-abo').show(); } }); }).catch(function (error) { console.log(error.message); }) } $(window).on('load', function () { let subscribed = getCookie('subscribed'); let statut = 'Payant' if (typeof subscribed !== 'undefined' && subscribed === 'false' && 1 === 1) { statut = 'Teaser'; } else if (typeof subscribed === 'undefined' && 1 === 1) { statut = 'Teaser'; } tag.page.set({ name: 'a-odessa-vivre-et-creer-malgre-la-guerre', level2: rubrique.level2, chapter1: 'lv0f' === 'hc0f' ? ch1 : rubrique.chapter1, chapter2: ch2, customObject: { Pagetype: 'article', Population: typeof subscribed === 'undefined' ? 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Drapés dans des bannières bleu et jaune, ils crient leur joie. « Chaque Odessite trinquera ce soir en famille, avec un espoir raffermi. Tout le monde en a besoin, avant de penser aux représailles russes qui vont suivre », explique Valentina, notre interprète, professeure de français. « Poutine n’aura pas ma peur. Mener une vie normale, c’est résister, c’est ne pas céder à la propagande russe. » La vie, malgré tout Au premier abord, c’est vrai, la vie citadine paraît ici « normale ». Boutiques ouvertes, passants affairés. En arpentant les larges avenues pavées de la plus européennes des villes ukrainiennes, bordées d’arbres et d’élégantes bâtisses au charme suranné, on ne peut s’empêcher de penser au rêve impérial russe de Catherine II à la fin du XVIIIe siècle et aux plans dessinés par des Français, à la cité si littéraire de l’écrivain Isaac Babel, qui a croqué les petits artisans, gangsters et aventuriers cosmopolites de ce port ayant accueilli tant d’immigrants (Italiens, Grecs, Polonais, Tatars, Juifs de Galicie ou de Lituanie)… La guerre est pourtant bien là. Impossible d’accéder aux fameuses « marches Potemkine » immortalisées au cinéma par Eisenstein : l’armée ukrainienne est déployée sur les lieux et interdit l’accès au port. Ceinte de sacs de sable, la fameuse statue du duc de Richelieu (le premier gouverneur français d’Odessa) ne peut être aperçue que de loin. Dès le début de la guerre, fin février 2022, la menace d’offensive russe a été pressentie du côté de la mer. Mais, jusqu’alors, c’est le ciel qui a convoyé les missiles de Poutine et ses drones iraniens (triste bilan de 80 victimes civiles odessites depuis les premiers jours du conflit). La nuit tombée, les rues du centre historique sont plongées dans le noir, autant pour la sécurité que pour les économies d’énergie. Les immeubles d’habitation se contentent de quelques ampoules, ignorent le chauffage (la météo n’est pas encore trop rude) et subissent à tour de rôle des coupures d’électricité. Bien que le couvre-feu tombe à 23 heures, les restaurants poussent gentiment leurs clients dehors dès 21 heures, pour que leur personnel ait le temps de rentrer chez eux sans encombre. De l’abri en sous-sol à la scène L’insouciance et la dolce vita dont s’enorgueillissaient auparavant les habitants de la ville balnéaire paraissent lointaines. Mais le tempo de la guerre, ce sont les alertes aux bombardements qui le donnent. De jour comme de nuit, à une fréquence plus ou moins élevée, le long mugissement des sirènes retentit et hache le quotidien. Il nous surprend cet après-midi-là, alors que nous avons rendez-vous avec des artistes de l’opéra d’Odessa (joyau baroque construit au XIXe siècle par des architectes viennois). Direction l’abri en sous-sol, où une centaine de personnes s’entassent et où nous mènerons l’interview sous un néon blafard. Nul doute que le bunker a protégé les générations précédentes durant la Seconde Guerre mondiale. Et, 80 ans plus tard, le décor reste inchangé, mais chacun surveille du coin de l’œil l’écran de son smartphone, où la messagerie Telegram montre en temps réel le périmètre menacé par les missiles russes sur la carte de l’Ukraine. « Le 24 février 2022 devait avoir lieu la générale de l’opéra Kateryna , qui est finalement au programme aujourd’hui même… Malgré la menace des bombes, la culture ukrainienne demeure vivante, on fait face avec opiniâtreté. Notre front culturel tient, il est aussi essentiel que le front militaire », souligne la jeune soprano Yulia Tereshchuk. Avec toutes les difficultés que l’on sait mais sur lesquelles personne n’insiste, on n’oublie pas que certains artistes sont en exil, d’autres, sur le front. La soprano Yulia Terenshchuk qui tient le rôle titre de Kateryna. • Marie Chaudey « Les deux premiers mois de la guerre, nous avons rempli des sacs de sable comme tout le monde pour protéger notre ville. Nous avons aussi interprété des chants traditionnels ukrainiens sur la plage pour donner aux habitants du cœur à l’ouvrage et organisé des concerts dans les hôpitaux », se rappelle le pianiste Igor Parada. En artiste citoyenne, Yulia Tereshchuk s’est même rendue sur le front à Mikolaïv chanter pour les soldats. « L’opéra a réouvert, nous avons repris ensuite les répétitions car nous avons compris que les gens ont plus que jamais besoin d’art et de spectacle, de quoi s’évader pendant deux heures, de quoi renouer la vie d’avant, détaille le ténor Vladislav Goray. Nous sommes un opéra dans la grande tradition européenne, qui allie les compositeurs ukrainiens, tels Berezovsky ou Bortnianski, à Verdi ou Puccini. » Plus question pour l’instant d’interpréter Tchaïkovski, tant que dure cette guerre menée par l’ancien pays frère, celui du Bolchoï et du théâtre Mariinsky. Aucun message de soutien des artistes russes n’est parvenu jusqu’à Odessa, silence radio, regrettent les Ukrainiens. Seul le ténor garde un lien avec un ami moscovite : « Même ici, dans la guerre, je me sens plus en sécurité que lui sous la patte de Poutine… » Une heure et demie plus tard, l’alerte terminée, on remonte à l’air libre pour assister à l’ouverture de la saison lyrique (les représentations commencent désormais à 16 heures). La somptueuse salle à l’italienne est comble, le tour de force, magnifique. Devant le rideau rouge, la présentatrice dédie le spectacle à « la victoire de Kherson », sous des salves d’applaudissements et de hourras. Tiré d’une œuvre de 1842 du poète national Taras Chevtchenko, l’opéra Kateryna déploie alors sur scène ses fastes. La soprano Yulia Tereshchuk y tient le rôle-titre, celui d’une héroïne ukrainienne au parcours tragique : amoureuse d’un soldat russe, abandonnée et trahie… Créer sous les bombes À quelques rues de là, odeurs de térébenthine et planchers qui craquent. Dans les couloirs décatis et les étages froids de l’école d’art Grekov, des jeunes filles emmitouflées se pressent, toiles et cartons sous le bras. Fondé au XIXe siècle, l’établissement réputé est resté dans son jus et la guerre n’a pas amélioré les conditions matérielles. Elle a fait augmenter les prix, des denrées alimentaires comme du matériel nécessaire. Plus de la moitié des étudiants sont partis à l’étranger, accueillis par des institutions allemandes ou roumaines, les autres essaient de tenir malgré les coupures de courant et les descentes dans l’abri : deux pièces calfeutrées par des sacs de sable, avec une réserve d’eau et où un coffre renferme des masques à gaz. L’abri anti-bombardement, en sous-sol de l’Ecole d’art Grekov. • Marie Chaudey Artiste et enseignant, Mykola Lukin a fait travailler ses élèves sur la manière dont la guerre les atteint et les change. Les œuvres ont été rassemblées sous le titre Un silence plein de bruit, qui fait référence aux sirènes hurlant à n’importe quelle heure : « Même quand il n’y a pas d’alerte, nos oreilles restent aux aguets. Sous la menace, le silence n’existe plus. L’intranquillité prend toute la place. » Aleksandra, 19 ans, réfugiée du Donbass avec sa mère et sa sœur (son père est resté sur place, à Louhansk), a brossé en triptyque de sinistres portes de bunker, images saisissantes de l’enfermement. Karyna, 20 ans, a assemblé un tee-shirt, un soutien-gorge et un gant en latex : « Pas de corps, car la vie n’a désormais plus aucune valeur aux yeux de nos agresseurs », souligne-t-elle. Quant à Sofia, 18 ans, qui se dit si fatiguée de l’incertitude quotidienne dans une guerre qui n’est pas près de finir, qui lui vole ses projets et ses rêves, elle a peint, de dos, le corps nu d’un jeune homme aux bras déployés imitant les ailes d’un avion, entre équilibre précaire et émouvante fragilité. Obsédée qu’elle est par les bruits venus du ciel… Mikola Lukin, artiste et enseignant à l’école d’art Grekov, devant le coffre à masques à gaz de l’abri. • Marie Chaudey Tous les créateurs que nous avons croisés à Odessa témoignent de l’onde de choc de la guerre sur leur travail. Dans son atelier à moitié vide, le peintre Igor Gusev nous présente une modeste valise pleine de dessins. Célèbre pour ses toiles dont tous les sujets finissent en coulures qui ressemblent à des codes-barres, l’artiste coté sur le marché international avoue n’avoir plus été capable de poursuivre sa « peinture métaphysique » depuis fin février 2022. « L'idéologie arrogante et solennelle du régime russe actuel » Avec un humour typiquement odessite, il a pourtant réussi à relever la tête en dessinant chaque matin une petite composition graphique sur des couvertures arrachées à de vieux livres bradés sur marché aux puces. Toujours en réaction à l’actualité de la guerre. Des œuvres très appréciées sur Instagram. Le jour de septembre 2022 où les drones iraniens ont été abattus à Odessa par la défense ukrainienne, il a ainsi dessiné une fronde avec ce commentaire : « Viens par ici, espèce de Mobylette. » Aujourd’hui, il substitue des éléments dans des tableaux célèbres : en référence aux troupes russes qui pillent les territoires occupés, il a mis une machine à laver à la place d’une comtesse dans une copie d’une célèbre toile de Sourikov : « Le contraste est terrible entre l’idéologie arrogante et solennelle déployée par le régime russe actuel et la sordide réalité du terrain », précise l’artiste. Sa riposte, c’est l’humour mordant, marque de fabrique locale et tradition séculaire. Lui-même est né d’un père russe et doit composer avec une réalité en train de changer dans une ville auparavant largement russophone : « Ma langue maternelle est le russe, ce n’est pas facile de me mettre à l’ukrainien. Mais je sais que l’arme culturelle est importante, il me faut oublier pour le moment la culture russe, on y reviendra plus tard. Je dirais qu’en pourcentage je me sens désormais 60 % ukrainien et 40 % russe… Et il m’arrive de plus en plus de rêver en anglais. » La langue ukrainienne en première ligne Au café bohème Antika, l’un des seuls à être resté ouvert depuis les bombardements des premiers jours du conflit (les vitres demeurent protégées par de mornes panneaux de contreplaqué, qui contrastent avec les toiles colorées de jeunes artistes accrochées à l’intérieur), Maksim Finogeev, 35 ans, raconte comment la guerre a totalement remis en question son travail de photographe d’art et de mode. D’abord figé par la sidération et incapable de se concentrer sur quoi que ce soit, il a accepté de devenir fixeur pour des photoreporteurs de l’agence Magnum. Sur la ligne de front, il a tenu un mois, confronté à plus de violence qu’il ne pouvait en endurer : « Le jour où je me suis retrouvé à la morgue de Mykolaïv aux côtés d’une mère condamnée à reconnaître le corps mutilé de son fils grâce à ses chaussettes, j’ai décidé de rentrer à Odessa. » Le jeune photographe Maksim Finogeev au café Antika. • Marie Chaudey Il y piste depuis les traces visibles et invisibles de la guerre, le traumatisme sous la surface du quotidien. Le jeune artiste s’est mis à l’écoute de ses émotions et de ses terreurs, compulse des études sur le fonctionnement du cerveau humain, la manière dont notre ordinateur intérieur scanne les dangers extérieurs, comment il gère intimement une vie sous le signe de la menace qui peut surgir n’importe où et n’importe quand… Les blessures cachées de ses concitoyens, le poète Boris Khersonsky, 72 ans, les sonde depuis longtemps, lui qui est aussi psychiatre et thérapeute. Avoir trouvé refuge en Italie depuis le mois de mars 2022 ne l’empêche pas d’être relié à longueur de journée à son pays. Il continue de dispenser ses cours de psychiatrie à l’université de Kiev et à tenter de soulager inlassablement les traumas dus à la guerre, en particulier chez les jeunes militaires et volontaires qui peuvent le joindre à toute heure. Il nous parle via Internet, sa longue barbe blanche de mage tremblotant à l’écran, en gardant un œil sur les messages urgents de ses patients en détresse. Sa bonne ville d’Odessa lui manque, il y a laissé son âme, c’est-à-dire sa bibliothèque et ses chats sous la garde d’une voisine dans le quartier de la Grande-Fontaine. Et il essaie d’en plaisanter, contraint par les circonstances à répéter finalement un parcours que tant d’autres ont fait avant lui : « Odessa est une ville de nomades, un port dont les écrivains sont toujours partis… On y est fier de ses racines mais c’est pour mieux s’en éloigner. » Lui-même appartient à la catégorie des intellectuels universels et inclassables. Issu d’une vieille famille juive allemande, Boris Khersonsky est un russophone qui s’est converti il y a des décennies à l’orthodoxie et se sent aujourd’hui profondément ukrainien : il se présente désormais comme un poète bilingue (ses quatre derniers recueils et un de ses essais ont été rédigés en ukrainien). « J’ai appris cette langue à 8 ans sur les conseils pragmatiques de mon père et même de ma grand-mère, qui m’expliquaient que nous vivions sur le territoire de l’Ukraine. J’ai connu la russification d’Odessa dans ma jeunesse, et je suis témoin dans mon vieil âge de sa dérussification. En voulant soi-disant protéger la culture russe, Poutine est en train de la tuer. » Ardemment européen, le poète ne défend pas l’ukrainisation à marche forcée telle que prônée par certains militants zélés, qui souhaitent voir détruit le monument de Catherine II au cœur de la ville ou certains noms de rue changés : « Odessa a eu un passé impérial qu’il faut accepter. Et elle aura un futur ukrainien qu’il faut construire de manière pacifique. » Plus européens que jamais La libraire Galina Dalnik, la cinquantaine énergique, se retrousse les manches pour aider à bâtir cet avenir-là. Elle tient boutique sur le boulevard animé qui mène au marché Privoz (le plus vaste d’Ukraine et une institution odessite) où nous la retrouvons un dimanche à midi. Sur la porte de sa chaleureuse librairie, une affichette prévient : « Personne ne se moque ici des russophones qui font l’effort de parler ukrainien. » À l’intérieur, les étagères de livres (des albums colorés pour les enfants, des traductions de romans étrangers, des essais sur l’histoire ukrainienne, une biographie de Churchill) côtoient un petit salon de thé très fréquenté. Derrière le comptoir, c’est une jeune femme réfugiée du Donbass qui sert les tasses fumantes. Galina Dalnik, elle, partage une discussion avec cinq ou six amis réunis autour d’une table. Ils appartiennent tous à l’Église grecque-catholique ukrainienne, rattachée à Rome mais de liturgie orthodoxe. Parmi eux, Eugène, un juriste, qui porte un treillis militaire. Membre d’une brigade de volontaires, il est rentré du front pour une permission de deux jours. Il confie combien la victoire de Kherson est pour lui tempérée par la conscience aiguë du nombre des victimes tombées au combat. Une religieuse tout juste arrivée de Kiev, sœur Irena, raconte l’inlassable travail de la Caritas qui épaule, loge, nourrit les familles réfugiées et tant de gens qui ont perdu leur travail. Ce qui réunit aujourd’hui Galina et ses amis prend des airs de petite révolution : en faisant pression sur leurs autorités paroissiales, il est question pour eux cette année de fêter Noël non plus le 6 janvier, en même temps que les autres orthodoxes, mais le 25 décembre… Galina Dalnik n’en démord pas : « Ce sera une preuve que nous sommes de vrais Européens, un puissant symbole ! » Contre l’impérialisme russe À la Bibliothèque nationale scientifique d’Odessa, la plus ancienne bibliothèque publique d’Ukraine, bâtisse néogrecque qui est gardée comme une forteresse, nous entendons le même credo. Sur ses cinq millions et demi de livres et documents mis à l’abri veille une femme au caractère bien trempé, qui garde en tête les destructions et pillages russes dans les zones occupées, les autodafés de livres en langue ukrainienne. Iryna Biriukova nous guide d’abord vers la spectaculaire salle de lecture à colonnes aujourd’hui fermée (lampes de travail remisées, sièges protégés). La splendide salle de lecture de la Bibliothèque nationale scientifique d’Odessa, vidée en raison des bombardements. • Marie Chaudey Les chercheurs, enseignants et étudiants, ont désormais principalement accès aux ouvrages grâce à Internet. La numérisation s’est accélérée, sous l’égide de l’Unesco et avec le soutien de près de 30 bibliothèques étrangères partenaires, principalement européennes. « Notre mission est de tout conserver, de garantir l’accès au savoir de la population : nous n’abandonnerons pas cela à la guerre. Quand les jeunes ne lisent pas et n’étudient pas, le temps perdu est impossible à rattraper. » La splendide salle de lecture de la Bibliothèque nationale scientifique d’Odessa, vidée en raison des bombardements • Marie Chaudey Alors que certains de ses collaborateurs ont préféré un exil qu’ils espèrent temporaire, la vaillante directrice ne s’éloigne que de manière très brève de son trésor, pour un déplacement à Vienne ou à Tbilissi : « J’en profite peu : la guerre, on la transporte avec soi. La résistance ne peut s’interrompre, elle doit se poursuivre au moyen de notre unique arme : les livres. Ma place est ici. » Contre « l’impérialisme russe », elle brandit l’ouvrage publié en 1650 par l’ingénieur franco-polonais Guillaume de Beauplan qui fut le premier cartographe de l’Ukraine : il est intitulé Description d’Ukranie qui sont plusieurs provinces du royaume de Pologne. Contre la propagande poutinienne qui nie l’identité et la langue ukrainiennes, elle dégaine le conte Maroussia datant de 1834. « À la violence d’une certaine culture russe, nous opposons la connaissance et la liberté obstinée », affirme Iryna Biriukova, qui nous offre au moment de notre départ une petite cloche peinte de l’artisanat traditionnel ukrainien : « Nous craignons la lassitude des opinions publiques européennes. Faites entendre l’écho de nos voix ! », insiste celle qui se vit non seulement comme la gardienne d’un patrimoine ukrainien mais aussi mondial. Festival Un week-end l’Est Jusqu’au 28 novembre 2022 à Paris, retrouvez plus d’une centaine d’écrivains et artistes ukrainiens venus d’Odessa ou originaires de la ville, en concerts et en débats. Les poètes Boris Khersonsky et Ilya Kaminsky sont respectivement l’invité d’honneur et le parrain de cette édition. Hommage et soutien à une cité éminemment culturelle, où sont nés l’art abstrait avec Vassily Kandinsky, le théâtre d’atmosphère avec Anton Tchekhov, le roman d’avant-garde avec Isaac Babel, la poésie futuriste avec Vladimir Maïakovski et le cinéma expressionniste avec Sergueï Eisenstein… weekendalest.com À lire Hommage à l’Ukraine, sous la direction d’Iryna Dmytrychyn et Emmanuel Ruben, Stock, 21,50 €. Un bouleversant recueil de textes d’auteurs ukrainiens contemporains face à la guerre. La Vie aime beaucoup. A lire aussi : En Russie, la propagande est toujours plus forte que la réalité A lire aussi : Bernard Henri-Lévy tague ton nom… Liberté ! A lire aussi : Constantin Sigov : « Ce qui se passe en Ukraine est scruté par les autres États autoritaires » A lire aussi : À Irpin, la lente reconstruction après le départ des troupes russes A lire aussi : Mgr Éric de Moulins Beaufort en Ukraine : « Il y a un risque de voir retomber la vague de sympathie du début de la guerre » Notre sélection d'articles sur le même sujet À Odessa, les livres comme seule arme contre l'agression russe Ces Russes qui ont fui à Erevan Bernard Henri-Lévy tague ton nom… Liberté ! En Russie, la propagande est toujours plus forte que la réalité Constantin Sigov : « Ce qui se passe en Ukraine est scruté par les autres États autoritaires » À Irpin, la lente reconstruction après le départ des troupes russes Ukraine Littérature Art Résistance Marie Chaudey Édition de la semaine Lire le magazine numérique Newsletters de La Vie "La Vie Quotidienne", "Le choix de La Vie", "Regards chrétiens", "C'est ma foi", "Bonnes nouvelles", "Les Chroniques de La Vie", "Exclus web" : recevez tous nos articles d'actualité directement dans votre boîte mail. S'inscrire Dans la même rubrique « Tout sur Marie » sur Arte : une série documentaire captivante Arte diffuse le documentaire passionnant en deux épisodes réalisé par Isabelle Brocard sur l'histoire… Quand les paquebots inspiraient les artistes Le Musée d’arts de Nantes prend la mer et ouvre l’horizon. 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