Apprends le latin avec Elon Musk !
Christophe Ono-dit-Biot
C'est la revanche des latinistes. Ou l'heure de la consternation s'ils sont proeuropéens, humanistes et qu'ils se méfient de l'hubris... Le meilleur ambassadeur actuel du latin, en effet, c'est Elon Musk ! S'étant rebaptisé sur X " Kekius Maximus " en début d'année, l'homme le plus riche du monde multiplie les tweets dans la langue de Virgile : " Per aspera ad astra " (" Vers les étoiles à travers les difficultés "), " Vox populi vox dei " (" La voix du peuple est la voix de Dieu "), " Dulce est desipere in loco " (" Il est bon quelquefois d'oublier la sagesse "), ou encore, avec un jeu de mots sur X, " Deus X machina " (pour dire l'intervention imprévue d'un dieu). En août 2023, voulant obtenir le Colisée pour se battre avec Mark Zuckerberg, Elon Musk lançait même à son rival une blague grivoise attribuée à Jules César : " Estne volumen in toga, an solum tibi libet mi videre ? " (" Y a-t-il un rouleau sous ta toge, ou es-tu simplement heureux de me voir ? "). Mark Zuckerberg, d'ailleurs, n'est pas en reste. S'il arbore sur son pull favori les mots grecs " pathei mathos " (" Souffrir pour comprendre "), tirés de L'Agamemnon d'Eschyle, et qu'il a aussi choisi le grec pour baptiser sa société ( " meta " veut dire " au-delà "), le frère de l'helléniste Donna Zuckerberg garde une passion pour le Romain Virgile, et l' Énéide est son livre préféré. Comment expliquer cette latinomania chez les nouveaux seigneurs de l'Amérique ? Marquer une continuité avec les pères fondateurs du pays, pétris de références antiques, ou afficher à la face du monde leurs rêves d'empire ne connaissant " aucune frontière dans le temps et la grandeur ", comme le disait Virgile dans l' Énéide, à propos de la cité qui allait devenir Rome ?