Films en version longue À l'image du match aller entre l'Asvel et Paris, qui se retrouvent ce soir, les rencontres d'Euroligue s'étirent de plus en plus au-delà de deux heures avec le recours régulier à l'arbitrage vidéo. Une situation sous surveillance.
SAMI SADIK (avec AMAURY PERDRIAU)
Dans une Astroballe quasi pleine, le 13 décembre, les 5 519 spectateurs du premier Asvel-Paris en Euroligue (98-93) en ont eu pour leur argent. Et pas seulement parce que Villeurbanne a brisé la série de dix victoires des Parisiens. Avec 2 h14' de l'entre-deux au buzzer final, les billets ont été rentabilisés au terme d'un match marqué par une jolie collection de lancers francs (48 tentés) et de longs séjours devant les écrans pour le trio arbitral. En seconde mi-temps, entre les deux challenges demandés par Pierric Poupet et Tiago Splitter, et trois autres cas disséqués par les arbitres, le ballon et le jeu se sont figés pour près de dix minutes.
Instauré depuis 2006 en Euroligue, le replay vidéo (IRS) servait à vérifier si un tir avait été pris avant ou après le buzzer final. Dix-huit situations peuvent désormais déclencher un recours à la vidéo et les séjours des officiels à côté des écrans sont allés crescendo. « On a pris dans les dents trente minutes de plus par match en moyenne. C'était 1 h 40' avant, maintenant, c'est 2 h 10'. On a tendance à s'y habituer, mais c'est trop à mon sens » , glisse un bon connaisseur du milieu arbitral européen.
Un début de saison parfois chaotique
La reprise de la saison a parfois viré au chaos : sept erreurs admises par l'Euroligue entre l'Étoile Rouge de Belgrade et Barcelone (94-98 a.p., le 18 octobre) malgré des recours à la vidéo, une interminable pause de quatre minutes dans le derby Efes-Fenerbahçe (78-83) du 10 octobre pour décerner trois lancers francs à Elijah Bryant... au milieu du deuxième quart. « Après quatre journées, nous avons eu des réunions car le recours à la vidéo était en augmentation et notamment pour examiner les "actes de violence " (pouvant donner lieu à des fautes antisportives ou des exclusions). On ne veut pas qu'il y ait trop d'arbitrage vidéo ou que l'examen des images prenne trop longtemps. Il faut trouver l'équilibre entre faire ce qui est juste pour le jeu et les fans en tribunes » , convient Asimina Stamatiou, la patronne grecque du département d'arbitrage de l'Euroligue.
D'un à deux challenges pour chaque coach
Avec des chiffres à l'appui : une baisse de 3,8 à 3,5 recours à la vidéo par match entre les quatre premières journées et la suite de la saison. Le temps passé devant les écrans a aussi maigri : de 60,4 à 50,8 secondes. Des statistiques dans les eaux de la saison dernière (3,6 recours et 53,7 secondes). Les arbitres, eux, ont ajouté une compétence à leur CV : à eux de naviguer entre les ralentis pour trouver le bon angle. « Il y avait des opérateurs spécialisés avant, mais tout le monde n'était pas au même niveau, donc cette saison, on a décidé de donner la main aux arbitres » , explique Ibrahim Erkan, le directeur sportif de l'Euroligue. « Il y a eu trois jours de stage. Bien sûr, ce n'est pas la même chose que de le faire en match, plus les arbitres vont être confrontés à cela, plus ils seront rapides » , complète Stamatiou. Interrogé, un autre sifflet européen pointe la différence avec le football, où les images sont prêtes quand la VAR appelle l'arbitre.
Mais les officiels ne sont pas seuls responsables du recours à la vidéo. Depuis deux saisons, les coaches ont désormais deux challenges - au lieu d'un seul - pour tenter de corriger un coup de sifflet. « C'est trop, c'est une largesse qui n'est pas bonne pour le spectacle, et les coaches en jouent, tranche notre connaisseur du milieu arbitral. Parfois, quand ils n'ont plus de temps mort, ils font exprès de prendre un challenge pour arrêter le jeu, alors qu'ils savent que la décision est bonne. »
« Pour nous, ça peut servir de temps mort, convenait en novembre Tiago Splitter, l'entraîneur parisien. Mais je ne vois pas ces challenges comme quelque chose à conserver en fin de match. Si vous sentez qu'il y a une situation où vous pouvez, récupérer deux points, il faut y aller ». Même constat chez Luca Banchi, passé du banc de la Virtus Bologne à celui d'Efes Istanbul : « Tout le monde tente d'utiliser la technologie pour gagner une possession, un temps mort. Je comprends que ces interruptions soient pénibles pour les fans, mais si un de mes joueurs me dit qu'il n'a pas fait faute, je vais le croire. »
Pour réduire l'incompréhension en tribunes, l'Euroligue envisage de faire parler ses arbitres au public pour expliquer les décisions. L'instance européenne réfléchit aussi à se doter d'un « replay center » comme en NBA, où des officiels installés devant une myriade d'écrans épluchent les ralentis et fournissent aussitôt les images. De quoi remettre un peu plus de rythme sur le parquet.