January 15, 2025 | - | L'AGEFI.fr |
La France émet moins cher que la Grèce
Xavier Diaz
La dernière émission d'obligations à 10 ans de la Grèce a été placée avec un rendement toujours supérieur aux OAT, mais dans la nouvelle hiérarchie des dettes dans la zone euro, la France n'est pas la mieux placée.
Le gouvernement français peut respirer. Si le spread de la dette par rapport à l'Allemagne évolue toujours entre 80 et 85 points de base (pb) tandis que les taux ont grimpé ces dernières semaines en même temps que ceux des Etats-Unis, la France émet ses obligations à un prix meilleur marché que la Grèce.
Il y a quelques semaines, alors que le gouvernement de Michel Barnier était sur le point de tomber après le vote de la première motion de censure depuis 1962, la baisse du rendement à 10 ans des emprunts d'Etat grecs au niveau de ceux des OAT françaises avait été brandie comme le signe ultime d'un déclassement de la dette française auprès des investisseurs.
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Effets d'optique
Mais ces prix de marché ne reflètent ni la réalité des transactions lors des émissions sur le primaire, ni les conditions dans lesquelles traitent les deux dettes. De fait, mardi, la Grèce a émis 4 milliards d'euros d'un nouvel emprunt à 10 ans (échéance 15/06/2035) via une syndication bancaire. La demande a été 10 fois supérieure à l'offre. L'obligation, qui porte un coupon de 3,625%, a été placée sur la base d'un rendement de 3,637%.
Lors de sa dernière adjudication d'OAT jeudi 9 janvier, la France proposait une tranche à quasiment 10 ans et une autre à un peu plus de 11 ans qui ont été placées avec des taux moyens pondérés de 3,40% et 3,49% respectivement, soit un spread négatif d'environ 20 pb. Certes, depuis cette adjudication, les taux se sont tendus d'une dizaine de pb - avant le nouveau resserrement de 12 pb, ce mercredi, consécutif à la publication de l'inflation aux Etats-Unis -, mais ceux de la France comme ceux de la Grèce ont évolué en parallèle.
Les rendements à 10 ans des deux dettes évoluaient, mercredi, au même niveau de 3,35%, en décalage donc avec le marché primaire. « La Grèce n'a pas besoin d'émettre sur le marché et elle émet peu de papier chaque année comparé à la France », rappelle un gérant. Le rendement grec est «déformé» par cet aspect technique. La Grèce est notée BBB- par S&P (perspective positive), BBB- par Fitch (stable) et Ba1 (HY) par Moody's (positive). La France est notée AA- par S&P (stable) et Fitch (négative) et Ba1 (stable) par Moody's.
Flot d'émissions
Plusieurs Etats de la zone euro ont émis de nouvelles obligations au cours des derniers jours, notamment sur la maturité 10 ans. Hormis l'Italie, dont le coût de financement et le spread ont diminué mais restent au-dessus de ceux de la France, la Belgique et le Portugal payent moins sur les marchés que l'Etat français. L'Union européenne bénéficie également d'un traitement plus favorable.
L'émission italienne à 10 ans (échéance 01/08/2035), réalisée via une syndication bancaire le 8 janvier, a été placée avec un rendement de 3,733%, soit une trentaine de pb au-dessus de la France, correspondant à la prime de risque sur le marché secondaire, et un coupon de 3,65%. Le carnet d'ordres a atteint 142 milliards d'euros pour 10 milliards émis.
La Belgique a, quant à elle, placé ses titres à 10 ans sur la base d'un rendement de 3,141%, l'avant-veille de l'adjudication française. La demande a été aussi soutenue que pour les BTP italiens. L'émission du Portugal, le même jour que les OAT, a été placée à 3,074%. La dette portugaise bénéficie à la fois d'un effet rareté du papier mais aussi des bons fondamentaux économiques du pays, notamment la perspective d'un excédent budgétaire. Néanmoins, la demande a été moins forte que pour l'Italie et la Belgique avec une offre de 4 milliards couverte un peu plus de 6 fois par la demande. Peut-être le signe que le spread est désormais trop serré. Même si un tel carnet d'ordres reste confortable.
L'Union européenne a, quant à elle, émis lundi, via une syndication bancaire, une maturité proche de 30 ans, sur une souche existante (3,375% 10/05/54). Elle a été placée avec un rendement de 3,664% et un carnet d'ordres de 23 fois l'offre de 5 milliards. Dans le même temps, la dette française à 30 ans traitait avec un rendement de 3,98% sur le marché secondaire. Jeudi dernier, lors de l'adjudication d'OAT, la tranche à 30 ans proposée avait été placée avec un rendement moyen pondéré de 3,93%.
Même la Slovénie émet moins cher que la France. Mais il s'agit d'un petit émetteur avec une typologie différente d'investisseurs, sur l'Europe émergente. Quoi qu'il en soit, l'émission à 30 ans a été placée sur la base d'un rendement de 3,548% le 7 janvier, alors que le 30 ans français se situait à 3,83% sur le marché secondaire. Une émission à 10 ans de la Pologne, qui ne fait pas partie de la zone euro mais qui a également d'importants besoins de financement, a été placée jeudi 9 janvier à 3,631%, soit entre la France et l'Italie.
Une nouvelle hiérarchie des dettes s'est donc établie en Europe, dans laquelle la France ne semble pas la mieux placée alors qu'elle doit émettre cette année 300 milliards d'euros sur la base du précédent projet de loi de finances.
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