January 18, 2025 | - | L'Indépendant (site web) |
January 19, 2025 | - | L'Indépendant |
Cinéma
Costa Gavras : « J'ai voulu porter un message d'espoir » sur la fin de vie
Costa Gavras, célèbre réalisateur franco-grec, participe à la sixième édition du festival international du film politique de Carcassonne pour la sortie de son film « Le Dernier souffle », sur la fin de vie.
« Ce n'est pas un long métrage sur la mort mais sur ce qu'il reste à vivre. » Présent à Carcassonne pour le festival international du film politique, Costa-Gavras, célèbre réalisateur franco-grec, a pris le temps de se livrer, ce samedi 18 janvier. À l'occasion de la sortie de son film Le Dernier souffle , sur la fin de vie, dans un premier temps, mais également sur des sujets plus larges relatifs à la politique.
Ce n'est pas la première fois que le nonagénaire fait parler de lui au sein de cet événement audois. En 2018, lors de la première édition, il a accepté de le parrainer. Alors même qu'il ne figurait pas parmi les participants. Une confiance qu'il a accordée à l'issue d'une rencontre avec les organisateurs. « Il y a sept ans maintenant, deux jeunes étudiants sont venus me trouver. Ils étaient déterminés à monter de toutes pièces leur propre festival sur le cinéma. Ils ont su se montrer particulièrement convaincants : c'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'associer mon nom à ce nouveau projet. »
D'après Costa Gavras, à cette époque, bon nombre d'événements mettaient en avant les cinéastes un peu partout en France. Il y en avait quelques-uns dans la région pareillement, notamment à Toulouse. En revanche, rien n'avait à ce moment été créé dans le chef-lieu audois.
Le festival international du film politique est ainsi né. Mieux encore : il a su se pérenniser. « Un bel accomplissement » , selon les mots du réalisateur : « La tâche était loin d'être aisée. Il a fallu trouver un moyen de préparer les spectateurs à ce type de programmation tournée intégralement vers des sujets politisés. »
Trouver son public ne représentait d'ailleurs qu'une étape parmi d'autres. « Il a fallu convaincre de nombreuses personnes pour investir dans ce projet, à commencer par les personnalités politiques locales. Les persuader d'apporter un soutien sans pour autant qu'ils ne s'immiscent dans le choix des longs-métrages. Savoir dire non exige une force de caractère. Après six éditions, on peut estimer qu'ils y sont parvenus. »
Si le cinéaste engagé estime le festival auquel il participe, quelles opportunités a-t-il à saisir sur place ? Mettre en avant Le Dernier souffle, évidemment, puisqu'à ses yeux ce genre d'événement permet « d'assurer le bouche à oreille » . « C'est un honneur et un plaisir de présenter la production sur laquelle j'ai travaillé pendant plusieurs années. Ce film comporte un casting important (Kad Merad dans le rôle du docteur Augustin Masset ou encore Denis Podalydès dans le rôle de l'écrivain Fabrice Toussaint, NDLR) avec des acteurs talentueux qui ne cessent d'évoluer. »
Pour Costa Gavras, le festival international du film politique à Carcassonne permet de créer l'envie du cinéma. « L'installer durablement dans la ville préfecture a permis de combler un vide. On voit que le public n'attendait qu'un projet de cette envergure. Face aux images, les spectateurs rient ou pleurent de concert. De manière plus globale, le cinéma peut faire changer le monde » .
Dans son cas, réaliser ce film a changé beaucoup d'aspects en lui. Il s'est tout d'abord intéressé au sujet de la fin de vie pour des questions personnelles. « En échangeant sur cette thématique, j'ai fait beaucoup de découvertes que je ne soupçonnais pas. J'ai alors pensé que c'était l'occasion de l'évoquer sur grand écran. »
Pour ce faire, il a choisi de se tourner vers l'adaptation. Initialement, Le Dernier souffle est une biographie coécrite par Claude Grange, ancien chef de service d'une unité de soins palliatifs, et Régis Debray, écrivain et philosophe.
La prise de contact semble s'être bien passée : « Je les ai prévenus de mon intention d'adapter leur oeuvre. Ils m'ont répondu de faire ce que je souhaitais. J'ai donc travaillé sans les concerter constamment. »
Le réalisateur franco-grec avait un objectif en tête pour la fin de son long-métrage : ne pas le finir sur un enterrement, ni sur une « happy ending ». « J'ai voulu porter un message d'espoir avant tout » , confie-t-il avec le sentiment du devoir accompli.
Romain Luspot
Savoir dire non exige une force de caractère.
Son regard sur la fin de vie
En dehors de l'aspect artistique, le sujet sur la fin de vie suscite régulièrement des avis bien tranchés et surtout disparates. Si Costa Gavras possède lui aussi son propre avis, il apporte des nuances. « Le débat public autour de cette problématique n'est pas suffisamment mis en avant. Les propositions de loi ne mènent pas à grand-chose pour le moment. »
Une référence notamment à celle annoncée en mars 2024 par le président de la République, Emmanuel Macron, visant à ouvrir « une aide à mourir » sous « conditions strictes » d'après les termes prononcés par le chef de l'État. Le texte aurait dû faire l'objet de plusieurs lectures à l'Assemblée nationale mais le paysage politique fébrile depuis les élections législatives anticipées de juin a perturbé le dossier, comme beaucoup d'autres.
« De toute manière, le sujet se veut complexe, souligne le cinéaste engagé . Les solutions sont contradictoires et chaque point de vue va être compréhensible selon les situations. Je donne un exemple récent. Le 17 janvier dernier, j'ai rencontré une femme à Bordeaux qui s'est confiée après avoir vu le film sur sa propre histoire. Son père souffrait de la maladie d'Alzheimer, alors elle a décidé, avec l'aval de l'ensemble de ses proches de l'éteindre selon ses mots. Pourquoi ? Cela faisait plusieurs mois qu'il ne reconnaissait plus personne et surtout qu'il ne bougeait plus, ne s'éveillait même plus. »
Après avoir travaillé deux ans sur le sujet, Costa Gavras met en exergue la responsabilité des hommes politiques. La loi Claeys-Léonetti « ne suffit pas » d'après lui.
Cette dernière, pour rappel, renforce le droit d'accès aux soins palliatifs, met à disposition les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance pour permettre d'exprimer cette volonté.