Le Parisien
Seine St Denis; Edition Principale
Une, samedi 11 janvier 2025 898 words, p. SSDE33
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January 10, 2025 - Le Parisien (site web)

budget|La chambre régionale des comptes vient de publier un rapport au vitriol sur la ville. Elle pointe notamment un déficit en 2022 de 9,6 millions d'euros, deux fois plus élevé que celui annoncé à l'époque.

La « grande fragilité » des finances du Bourget

La chambre régionale des comptes (CRC) vient de publier un rapport au vitriol sur la situation financière de la commune. Elle pointe notamment un déficit, en 2022, de 9,6 millions d'euros, deux fois plus élevé que celui annoncé à l'époque par la ville.

Claire Guédon

Des « inscriptions insincères », une « grande fragilité de la gestion communale », un « artifice de présentation », une « fiabilité des comptes de la commune (qui) souffre de nombreuses insuffisances »... Les expressions chocs s'enchaînent sous la plume des magistrats de la chambre régionale des comptes (CRC), quant à l'état réel des finances du Bourget sur lesquelles ils se sont penchés à l'automne 2023. Le rapport que la CRC vient de publier décrit une « situation financière dégradée depuis 2020 » et préconise de « rétablir, sans délai, l'équilibre en se centrant sur les dépenses strictement nécessaires ». Cette suggestion est l'une des treize recommandations formulées.

La plongée dans les comptes est intervenue au moment où la municipalité traversait une longue crise politique majeure, qui a déclenché des alertes du préfet de Seine-Saint-Denis et s'est terminée par une élection municipale partielle fin janvier 2024. Le contrôle de la chambre a porté sur les exercices de 2017 et des années qui ont suivi.

« Ça ne sera pas sans conséquence »

Le premier des « chiffres clés » que les magistrats pointent est l'ampleur du déficit qu'ils découvrent en 2022 et qu'ils évaluent à 9,6 millions d'euros (M€), « soit plus de 40 % des recettes réelles de fonctionnement », calculent-ils. Ce qui fait en particulier bondir la CRC, c'est de constater que ce résultat négatif n'a été estimé à l'époque par la majorité qu'à 4,9 M€. La municipalité le minore en invoquant des bouts de recettes à venir (des « restes à réaliser ») que la chambre qualifie de « non entièrement justifiés et en partie insincères ».

Ces sommes fantômes sont en particulier constituées d'aides financières liées à la reconstruction de la piscine, alors que ce projet ne se fera pas. « On avait demandé des subventions aux partenaires, mais le reste à charge pour la ville était trop lourd. On a donc reporté cette opération aux calendes grecques et rendu les sommes », nous décrypte le maire (DVD), Jean-Baptiste Borsali. « C'est un simple décalage en termes de calendrier budgétaire, complète Jérôme Baverel, directeur général des services de la ville du Bourget. Il ne remet nullement en cause la sincérité des recettes qu'on avait inscrites en 2022, puisque ce n'est qu'en 2023 que le projet a été abandonné. »

Ces explications, qui nous ont été livrées jeudi de vive voix, avaient été envoyées à la CRC par écrit par Jean-Baptiste Borsali, en septembre 2024. Ses réponses au contrôle s'étirent sur 144 pages et sont deux fois plus longues que le rapport en lui-même. Néanmoins, les magistrats indiquent que le retrait de ces subventions est bien loin de couvrir la différence de déficit qu'ils ont relevée. « On a un point de divergence entre la ville et la CRC. Dont acte », commente Jérôme Baverel.

Vincent Capo-Canellas, sénateur UDI et ancien maire de la commune, ne se dit pas surpris par les conclusions de la chambre. « La municipalité donne des chiffres et des appréciations qui sont toujours étonnants et éloignés de la vérité, réagit-il. Là, il y a une juridiction financière qui dit les choses. C'est un rapport qui est cinglant. Je souhaite que les Bourgetins prennent conscience de la réalité du grave dérapage financier en cours. Ça ne sera pas sans conséquence sur l'avenir de la ville, ses capacités à agir. »

Un délai de paiement des fournisseurs énorme

Mais Jean-Baptiste Borsali assure qu'en ce début 2025 tout va déjà beaucoup mieux. « Dans le budget qui sera voté fin janvier, on est presque au niveau d'endettement de 2020 et, en 2026, il sera plus bas que ce que j'ai trouvé. » Même garantie pour les retards de paiement des fournisseurs dont le délai astronomique avait pourtant atteint 153 jours, alors que la loi prévoit trente jours maximum. « Nous sommes redescendus en dessous des 30 jours », se félicite l'élu, imputant les retards passés à la crise politique locale.

Aux accusations de dérapage financier, le maire répond qu'il s'agit de mises à niveau : « En 2020, j'avais dit que j'allais investir pour changer la ville », détaille-t-il, en citant les trottoirs, les écoles et les équipements publics « dégradés », selon ses propos. « Je préfère avoir une dette auprès des banques plutôt qu'une dette morale auprès des enfants et de mes administrés », ajoute l'élu, qui défend, pour les mêmes raisons, la reconstruction du centre culturel.

Mais cette complexe opération à tiroirs inquiète la CRC, qui voit un « projet coûteux conduit dans une relative opacité procédurale et financière avec de nombreux risques juridiques ». Mais, là encore, pas de soucis : « On infirme l'interprétation juridique de la CRC. Nous passons par un PUP (projet urbain partenarial) », réplique Jérôme Baverel. « Le jour où les habitants pourront dire : Je sors ce soir pour aller voir une pièce de théâtre dans ma ville, ajoute le maire, eh bien, ce jour-là, Le Bourget ne sera plus une ville-dortoir. »