Les 120 critiques du mois
MAURICE RAVEL
François Laurent
1875-1937 Les œuvres avec piano.
François-Xavier Poizat (piano), Suzanne Jerosme (soprano), Brenda Poupard (mezzo), Thomas Dolié, Florent Karrer (baryton), Michael Foyle (violon), Jamie Walton (violoncelle), divers musiciens, Quatuor Voce, Louis Schwitzgebel (piano), Philharmonia Orchestra, Simone Menezes.
Aparté (6 CD). Ø 2023-2024. TT : 6 h 36'.
TECHNIQUE : 3,5/5
MAURICE RAVEL
Il faut être culotté pour se lancer, à trente-trois ans, dans une intégrale du piano de Ravel englobant les mélodies et les pages chambristes avec clavier, mais écartant les transcriptions et versions préparatoires (sauf un arrangement solo de La Valse par Alexandre Ghindin, préféré à la version de Ravel pour deux pianos). François-Xavier Poizat travaille depuis l'adolescence les partitions de celui qui est son compositeur favori.
Le trait, souvent pointu, évoque à merveille les boîtes à musique (superbes Valses sentimentales III , V et VIII ), l'ironie un rien cruelle ( Alborada del gracioso ), l'allure guindée d'un autre temps ( Menuet antique , Rigaudon ), et souligne le mordant de la caricature ( A la manière de …). Il sait aussi assouplir les lignes pour les faire chanter ( Pavane pour une infante défunte ), ménager un sfumato qui suggère l'étendue Une barque sur l'océan ), le scintillement ( Jeux d'eau ), le mystère ( Le Gibet ). Poizat y médite l'exemple de ses grands aînés (Meyer, Perlemuter, François notamment) quand un Chamayou (Erato) ou un Bavouzet (MDG) prouvent qu'on peut s'en émanciper avec bonheur.
Dans les deux concertos, son jeu ferme s'appaire à la direction précise et fouillée de Menezes. Si l' Adagio assai du Concerto en sol pourrait être plus souple, les couleurs, la vivacité et la gouaille du Philharmonia sont un régal. Le volet chambriste et les mélodies nous laissent plus circonspect - le piano n'est pas seul en cause. Le violon trop sec et droit de Michael Foyle s'inscrit dans des lectures alla Mondrian : Blues et Tz i g a n e étroits de fantaisie, trio sans relief. Le baryton charmeur de Thomas Dolié pourrait « jouer » davantage les Histoires naturelles et les Quichotte mais ses Madécasses (le crescendo d' Aoua , avec la flûte rageuse d'Héléna Macherel) sont mieux venues. Celui plus lumineux de Florient Karrer - et le clavier de Poizat - cisèle un superbe Ronsard à son âme . Le mezzo trop maigrelet et raide de Brenda Poupard passe en revanche à côté du caractère des Mélodies grecques , ce qui vaut hélas pour le soprano instable de Suzanne Jerosme, qui n'a ni le sophistiqué ni le pointu des Mallarmé .