Le Monde
Le Monde des Livres, vendredi 10 janvier 2025 255 words, p. LIV9

Critiques Essais

L’oiseau polyglotte

Fl. Go

C’est en Inde, au Ve siècle avant notre ère, que le médecin grec Ctésias, qui en livrera la première description connue, a rencontré le perroquet, rare créature réelle au milieu des êtres fantastiques qui, selon lui, peuplaient le pays – licornes, hommes-chiens, « grandes-oreilles » … Tel est le destin de l’ « oiseau à langue humaine » , comme le nomme Aristote : on ne sait jamais au juste où il se trouve, entre rêve et réalité, parole humaine et parure animale, amour et moquerie de l’amour, sacré et profane, ou, selon le sous-titre du précis que lui consacre Patricia Victorin, Orient et Occident. C’est un messager ailé, qui volette d’un monde à l’autre.

La spécialiste de langue et littérature médiévales l’a traqué dans ses infinies représentations littéraires, scientifiques, artistiques, des premiers étonnements antiques à Hergé ou Pirates des Caraïbes . Ce volatile capable de parler toutes les langues « offre un miroir à l’homme pour réfléchir à ce qui fonde son humanité : le langage, la raison, le geste » , écrit-elle, tout en promenant ce miroir au long des siècles dans ce petit livre savant et sautillant, coloré et joueur, à l’image de son sujet. On y apprend beaucoup sur le perroquet, et pas moins sur les ressorts de la fascination qu’il exerce sur nous, mais aussi sur ce que cela révèle de notre propre hybridité, d’être fasciné par si proche et si différent de soi.