ABC de la foi : « Kyrie eleison »
Alexia Vidot
Des myriades de petits mots disent la joie de croire. Chaque semaine, nous les explorons, afin d'en retrouver toute la saveur.
Le cri de Bartimée
Ne faut-il pas tomber au fond du puits pour enfin regarder vers le ciel et croire que c'est de là que notre secours viendra ? Ne faut-il pas expérimenter, dans la douleur et les larmes parfois, notre indécrottable misère pour prendre conscience de notre besoin d'être sauvés ? Et que tous les efforts que nous avions fournis jusque-là étaient inutiles, car nous avions misé non pas sur Dieu, mais sur nous-mêmes : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15, 5). Alors, du fond de l'abîme de notre détresse, jaillit ce cri, celui de Bartimée, l'aveugle-né : « Jésus, prends pitié de moi ! » (Marc 10, 47).
Implorer la miséricorde
L'Église a très tôt repris ce cri du coeur que l'on trouve aussi dans la bouche du publicain (Luc 18, 13). C'est la prière du Kyrie eleison, « Seigneur, prends pitié », mentionnée dans des documents datant du IVe siècle, et que le pape Grégoire le Grand (540-604) aurait introduit dans la messe.
Évacuons toute note péjorative et méprisante dont s'est teinté le mot « pitié » et remontons à l'étymologie : le mot grec eleison vient de eleos, qui signifie « miséricorde ». « Kyrie eleison », c'est la supplication de l'homme qui se reconnaît pécheur et attend tout de la tendresse divine. Or, quand nous nous présentons à lui tels que nous sommes, alors Dieu peut nous faire miséricorde. « Une seule parole du publicain a ému la miséricorde de Dieu », écrit saint Jean Climaque.
La prière de Jésus
Les cris du publicain et de l'aveugle-né, du psalmiste aussi (« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché », psaume 50) sont repris dans la prière de Jésus : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur. » Cette prière du coeur est le plus beau fruit de la spiritualité hésychaste (du grec hesychia, « quiétude »), forgée par les Pères du désert, ces premiers moines des solitudes d'Égypte des IVe et Ve siècles qui ont pris au sérieux le « Priez sans relâche » de saint Paul.
C'est au XIVe siècle, sur la péninsule grecque du mont Athos, que sa pratique se systématise, puis gagne la Russie. Elle embrase la foi des moines et celle des laïcs qui la découvrent grâce aux fameux Récits d'un pèlerin russe.
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