Fin de vie : François Bayrou tente d'imposer sa partition aux partisans de l'aide à mourir
Par Béatrice Jérôme
Deux textes, un seul débat. François Bayrou a confirmé, lundi 27 janvier, sur LCI sa « décision » de découper en deux le projet de loi sur la fin de vie dont l'examen à l'Assemblée nationale a été interrompu par la dissolution, en juin.
Le premier ministre souhaite un texte sur les soins palliatifs, un « devoir » pour les Français, et un autre sur l'aide à mourir – euthanasie ou suicide assisté – qui relève, selon lui, de la « conscience » . « La scission en deux textes est un risque de diversion pour masquer une volonté d'abandon. Nous ne voulons pas de stratégie dilatoire pour reporter le texte aux calendes grecques », a réagi, mardi, Olivier Falorni, député (Les Démocrates) de Charente-Maritime, à l'unisson de ses collègues de neuf groupes politiques différents autour de lui.
Anticipant ce tir de barrage, François Bayrou avait par avance entrepris de convaincre qu'il ne retarderait pas le débat au Parlement. Mardi matin, devant les députés centristes du groupe Les Démocrates, il « a annoncé qu'on allait travailler ces deux textes concomitamment et en même temps, avec une discussion générale commune pour les deux textes », rapporte Erwan Balanant, député du Finistère, porte-parole du groupe. Pour l'élu breton, « avec ce compromis, la question est réglée. Qu'il y ait un ou deux textes, l'essentiel est qu'on arrive à un nouvel encadrement de la fin de vie. »
Le premier ministre n'a pas caché sur LCI son opposition personnelle à l'aide à mourir, suggérant que sa foi catholique n'y était pas étrangère. Il a illustré ses craintes en citant une lettre que la maman d'une enfant atteinte d'une trisomie lui a récemment adressée. Une mère hantée par l'idée qu'après son propre décès, sa fille, devenue inconsolable, puisse demander l'accès à un geste létal si l'aide à mourir était légalisée.
Par ses propos et ses prises de position, François Bayrou donne des gages aux opposants par principe à l'euthanasie, tel Bruno Retailleau, le ministre de l'intérieur. Il rassure aussi certains des membres de son gouvernement favorables à l'aide à mourir à condition que l'accès aux soins palliatifs soit devenu une réalité pour tous les malades en fin de vie en France.
L'idée de deux textes distincts séduit des députés macronistes
En septembre 2023, la députée (Renaissance) de Paris Astrid Panosyan-Bouvet, aujourd'hui ministre du travail, et le député (Les Républicains) de l'Isère Yannick Neuder, actuel ministre de la santé, avaient signé avec dix autres de leurs collègues une tribune dans L'Express pour défendre le scénario des deux textes : « Combiner dans un même texte des questions par essence différentes serait une erreur et nous priverait collectivement de la liberté d'expression que nous confère la Constitution », écrivaient-ils.
L'idée de deux textes distincts séduit aussi des députés macronistes, hostiles à l'évolution du projet de loi initial lors du débat de juin 2024 à l'Assemblée nationale. « Je ne suis pas opposé par principe à l'aide à mourir, affirme Mathieu Lefèvre, député (Renaissance) du Val-de-Marne. Mais je n'aurais pas voté le texte tel qu'il avait été amendé en commission puis en séance. » Un débat sur deux textes lui donnerait la liberté, dit-il, de voter l'un ou l'autre, ou les deux.
« Un ou deux textes ? Qu'importe ! L'important, c'est que nous ayons un débat au Parlement. Les Français l'attendent » , remarque Stéphanie Rist, députée (Renaissance) du Loiret, « favorable » , précise-t-elle, au projet initial présenté par Emmanuel Macron en mars 2024.
Olivier Falorni a cosigné, lundi, une lettre ouverte au premier ministre avec treize anciens ministres et 180 actuels ou anciens députés. Ils estiment que « dissocier les soins palliatifs de l'aide médicalisée active à mourir serait une erreur. (…) . L'aide médicalisée active à mourir est une forme ultime de soin palliatif, dans la continuité des soins déjà prodigués. »
Une inscription à l'ordre du jour après le vote du budget
Pour autant le député de Charente-Maritime s'est défendu, mardi, d'être « dans une démarche de confrontation » avec le premier ministre. Réagissant à sa proposition d'une « discussion commune » sur deux textes, Olivier Falorni s'est montré réservé, mais pas entièrement fermé. « C'est une proposition qu'il faut regarder de près. Ça se discute ! » , glissait-il alors qu'il devait être reçu mercredi par François Bayrou.
La proposition d' « un examen conjoint de ces deux textes, c'est l'assurance qu'on évitera un dérapage dans le temps » , estime de son côté Philippe Vigier, député (MoDem) d'Eure-et-Loir.
François Bayrou pourrait proposer à Olivier Falorni de repartir de la proposition de loi que le député de Charente-Maritime a déposée en juillet 2024. Signé par 240 députés de tous bords, ce texte reprend le contenu du projet de loi après son examen en juin. Le premier ministre pourrait tenter de le convaincre de le scinder en deux. Contrairement aux projets de loi d'initiative gouvernementale, les propositions de loi portées par les parlementaires ne doivent pas être soumises au Conseil d'Etat. Ce qui permet de raccourcir les délais.
Sachant que deux semaines sont nécessaires pour épuiser les deux volets du sujet, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a indiqué, lundi, qu'une inscription à l'ordre du jour interviendra après le vote du budget, prévu à la mi-février.
Pour Yaël Braun-Pivet, la présidente (Renaissance) de l'Assemblée nationale, l'objectif est clair : les députés doivent avoir délibéré sur la fin de vie au plus tard avant l'été.
This article appeared in La Matinale du Monde