Bulletin Quotidien
Evénements et perspectives, mercredi 29 janvier 2025 1300 words

La gauche prend ses distances avec le Premier ministre François BAYROU, lui reprochant l'évocation d'une "submersion" migratoire

La gauche prend ses distances avec le Premier ministre François BAYROU, lui reprochant l'évocation d'une "submersion" migratoire

La gauche prend ses distances avec le Premier ministre François BAYROU, lui reprochant l'évocation d'une "submersion" migratoire

Les propos sur l'immigration tenus lundi soir sur LCI par le Premier ministre François BAYROU ont provoqué hier un tollé, préfiguré par un nouveau désaccord assumé de la présidente (EPR) de l'Assemblée nationale Yaël BRAUN-PIVET (cf. BQ 24/01/2025), et même une rupture, les Socialistes en prenant argument pour suspendre, à 48 heures de la CMP sur PLF, les négociations budgétaires.

"Les apports étrangers sont positifs pour un peuple, à condition qu'ils ne dépassent pas une proportion (...) Dès l'instant que vous avez le sentiment d'une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, les modes de vie ou la culture, vous avez rejet", a exposé M. BAYROU lundi soir sur LCI. Si ce seuil n'est pas encore dépassé mais "on approche" et "en tout cas c'est dans cette zone qu'on se trouve", sachant qu'un "certain nombre de villes ou de régions sont (déjà, NDLR) dans ce sentiment-là", a-t-il complété. Deux semaines plus tôt lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait déjà opté pour la métaphore maritime en évoquant "les vagues migratoires" et "la crainte d'être menacés", qu'elle soit ressentie ou attisée, et résumé l'immigration à une "question de proportion". Sans pour autant provoquer les mêmes réactions.

Inversement, peu semblent avoir retenu sa ferme opposition à la demande récurrente de la droite et de l'extrême droite d'un référendum sur l'immigration, relancée par la possibilité de consulter les Français, ouverte par le président de la République Emmanuel MACRON lors de ses voeux. "L'immigration ne peut pas constitutionnellement, même pas par préférence, (...) être un sujet de référendum", a-t-il souligné ainsi que l'a fréquemment rappelé le président du Conseil constitutionnel Laurent FABIUS à propos de l'article 11. Et s'il s'est dit favorable à une restriction du droit du sol à Mayotte, il y reste opposé en métropole. Il a aussi refusé de trancher entre le ministre de l'Intérieur Bruno RETAILLEAU qui durcit les conditions de régularisation des étrangers en France, et le ministre de l'Economie Eric LOMBARD pour qui le pays "a besoin d'une immigration de travail". Ils ont "tous les deux raison", a-t-il jugé.

En disant "que tout est une affaire de proportion", il "a justifié la politique que je souhaite mener", s'est réjoui hier sur France 2 son ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur Bruno RETAILLEAU. "Qu'un homme centriste, modéré, équilibré, puisse dire, au bout d'un mois et demi à Matignon, qu'il y a une proportion d'étrangers qui ne doit pas être dépassée sur le sol national, c'est une avancée", a renchéri son homologue à la Justice Gérald DARMANIN sur Europe 1/CNews.

Le RN s'est lui félicité d'avoir "gagné la bataille idéologique", attendant désormais "des actes qui suivent les constats".

Mais ces mots ont choqué l'aile gauche du camp présidentiel, en premier lieu la présidente de l'Assemblée nationale. "Je n'aurais jamais tenu ces propos et ils me gênent. On parle d'hommes et de femmes, de notre pays, la France qui, par son histoire, par sa géographie, par sa culture, a toujours accueilli et s'est construite avec cette tradition", a réagi sur BFMTV/RMC Mme BRAUN-PIVET. "Evidemment qu'il faut réguler l'immigration, évidemment qu'il faut être très ferme sur nos valeurs, sur les conditions et nos exigences d'intégration (...) Mais je n'utilise pas ces mots et je ne les utiliserai jamais parce que je crois que c'est contraire à ce que nous sommes profondément", a-t-elle expliqué. Surtout, "il faut regarder le sujet migratoire en face" et donc cesser "de le regarder uniquement par le prisme du ministère de l'Intérieur", car "c'est un sujet beaucoup plus large que cela", a-t-elle dit.

Devant les députés, M. BAYROU a maintenu l'idée d'une "submersion" migratoire, en premier lieu à Mayotte où le terme "est le plus adapté" mais aussi dans "toute une communauté de départements français confrontée à des vagues d'immigration illégale telles qu'elles atteignent 25 % de la population". "Ce ne sont pas les mots qui sont choquants, (ce sont) les réalités", a-t-il fait valoir, en jugeant que l'immigration était "désormais une impasse, parce qu'il n'y a pas d'intégration (...) par le travail, par la langue et les principes", et en récusant toute "connivence" avec l'extrême droite. "Je n'ai aucune leçon de civisme et aucune leçon de fraternité à recevoir", a balayé le Premier ministre sous les huées des députés de gauche.

"Si vous gouvernez avec les préjugés de l'extrême droite, nous finirons gouvernés par l'extrême droite et vous en aurez été le complice", l'a toutefois mis en garde le président du groupe Socialiste Boris VALLAUD, se disant lui dit "submergé par la consternation". "Vous nous faites honte comme vous faites honte aux 16 millions d'électeurs qui se sont massivement mobilisés le 7 juillet", a poursuivi son homologue du groupe ES Cyrielle CHATELAIN, accusant M. BAYROU de "jeter en pâture à l'extrême droite ceux qui sont nés hors de nos frontières mais qui vivent avec nous".

Cette dernière avait déjà prévu de voter la censure du gouvernement sur le budget qui pourrait être soumis à un 49.3 la semaine prochaine, mais le groupe Socialiste pourrait-il lui prendre sa décision à l'aune de cette polémique ? "A l'évidence, ce sujet ne pourra que peser dans la décision du groupe", a reconnu le député (PS) de Paris Emmanuel GREGOIRE alors que les Insoumis maintiennent la pression. "Ne pas censurer le gouvernement Bayrou, c'est laisser continuer l'offensive raciste de RETAILLEAU, celui qui parle de Français de papier, de régression ethnique des habitants des quartiers populaires ou encore des belles heures de la colonisation", a ainsi affirmé la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale Mathilde PANOT.

La fin de vie, champ de divisons internes

La présidente de l'Assemblée nationale a aussi répété son opposition au Premier ministre concernant la fin de vie, et plus spécifiquement sa volonté de traiter par deux textes différents les soins palliatifs et l'aide active à mourir. "Les personnes qui sont en fin de vie doivent pouvoir se voir proposer un accompagnement global (qui) comprendra évidemment la possibilité de faire des soins palliatifs, la possibilité d'avoir recours à une aide active à mourir", a défendu Mme BRAUN-PIVET. Scinder ce cadre revient à "diviser les gens et surtout les parcours", a-t-elle estimé, relevant qu'"on ne peut pas savoir lorsqu'on sera peut-être confronté à cette situation très douloureuse ce que l'on souhaitera à ce moment-là". "C'est un débat qu'il faut appréhender dans sa globalité", a-t-elle insisté, "ce que je ne veux pas, c'est que l'on tergiverse".

"Nous ne sommes pas des députés qui sommes prêts à être dupés. Nous ne voulons pas de stratégie dilatoire pour reporter aux calendes grecques un texte qui est attendu par 240 députés et par des millions de Français", a aussi prévenu le député (MoDem) de Charente-Maritime Olivier FALORNI, en référence aux signataires de sa proposition de loi qui reprend le projet de loi éponyme dans sa version au jour de la dissolution. "La scission des deux textes est un véritable risque de diversion pour masquer une volonté d'abandon. Et ça, nous n'en voulons pas", a-t-il répété au côté de neuf de ses pairs, issus chacun d'un groupe politique différent - seuls le RN et l'UDR n'étant pas représentés. "François BAYROU a ses convictions. Nous les respectons. En revanche, nous n'acceptons pas que nous soyons privés de ce débat", a-t-il insisté, quand la veille le Premier ministre avait admis ses réserves car "on touche là à quelque chose qui tient au sens de la vie, à la vie et au sens de la vie. Un "homme d'Etat" doit "surtout tenir compte des besoins de ses concitoyens", lui a-t-il encore rappelé.