Premier League : Nottingham Forest "commence à y croire, c'est extraordinaire"
The Guardian
Les places qualificatives en Coupe d'Europe sont désormais à la portée de l'un des plus vieux clubs anglais, qui se prend à rêver avant le choc face à Liverpool mardi 14 janvier. Troisième de Premier League, le club, vainqueur de la plus prestigieuse des compétitions européennes en 1979 et en 1980, espère renouer avec sa légende.
Dans un salon de coiffure étincelant situé à l'ombre du City Ground, le stade de Nottingham Forest, des mèches argentées s'envolent dans l'air tandis que Feras Al-Youssef coupe les cheveux de son client avec une redoutable efficacité.
"Nous allons gagner le championnat", assure ce fils adoptif de la ville, né à Alep [en Syrie], en levant les yeux vers le maillot dédicacé accroché au mur. "Du moins, on l'espère. Quand cette ville va bien, il n'y a rien de tel", ajoute-t-il en souriant.
Ces dernières semaines, ce coin des Midlands de l'Est est animé par une ferveur que la région n'a pas connue depuis les années 1979-1980. C'était l'âge d'or où Nottingham Forest a remporté la Coupe des clubs champions [l'ancien format de la Ligue des champions] deux années de suite, porté par la légende du club, [l'entraîneur] Brian Clough.
Après avoir échappé de peu à la relégation et avoir été sanctionné d'un retrait de quatre points la saison dernière, et malgré son statut d'équipe qui a le moins la possession du ballon en Premier League [le championnat de football anglais], Forest s'est installé sur la troisième marche du podium, devancé par Arsenal à la seule différence de buts.
La ville de Nottingham, dans les Midlands, au Royaume-Uni. COURRIER INTERNATIONAL.
Forts de leur belle série de six victoires consécutives, les joueurs de Nottingham s'apprêtent à affronter le leader du championnat, Liverpool, ce mardi 14 janvier. Et s'il est encore tôt, à la mi-parcours, pour comparer leur saison au conte de fées de Leicester en 2015-2016, les hommes de Nuno Espírito Santo [l'entraîneur de Nottingham Forest] donnent à leurs supporteurs de bonnes raisons de croire au miracle.
"Et si ça continuait ?"
"Il y a quelques semaines, je me disais : 'On ne peut pas faire mieux', confie Matt Davies, qui anime le podcast Forest Focus. Et puis on a continué de gagner, alors quand on pense [au match de] mardi, on ne peut pas s'empêcher de se demander : 'Et si ça continuait ?' On commence à y croire, c'est déjà extraordinaire en soi !"
Nottingham est une ville dans laquelle le sport est roi. C'est ici que les spectateurs des matchs de cricket ont commencé à payer leurs billets sur une idée d'un propriétaire entreprenant. Forest et Notts County, nichés comme des compagnons de lit grincheux sur les rives de la Trent, sont deux des plus anciens clubs de football anglais. Ainsi, lorsque la grandeur de l'époque victorienne a été réduite à peau de chagrin par le déclin de l'industrie manufacturière, c'est le sport qui a comblé le vide.
Rien d'étonnant, dès lors, à ce que les supporteurs veuillent profiter de cette période dorée. Les jours de match, les pubs autour du stade sont pleins à craquer, et le restaurant grec local célèbre chaque victoire par un feu d'artifice.
"La ville est plus resplendissante que jamais", décrit Greg Mitchell, fondateur du groupe ultra Forza Garibaldi, en référence au révolutionnaire italien qui a inspiré le rouge du maillot domicile de Nottingham Forest. "Mais ce n'est que le début ! Imaginez que des supporteurs viennent des quatre coins de l'Europe pour boire dans nos bars, dormir dans nos hôtels... Ce serait génial !" s'exclame-t-il [en référence à de potentiels matchs de Coupe d'Europe].
Car devant le classement actuel de la Premier League, même les supporteurs les plus prudents peuvent se dire que les places qualificatives en Coupe d'Europe, voire en Ligue des champions (réservées au top 4), ne sont plus très loin. "Je n'aurais jamais cru que nous serions de nouveau aussi bien classés, ajoute Greg Mitchell, qui a rencontré sa femme lors d'une défaite à l'extérieur face à Derby County. Maintenant, je n'arrête pas de penser à l'hymne de la Ligue des champions. Je serai vraiment déçu de finir sixième."
"Nous méritons notre troisième place"
Malgré l'optimisme ambiant, les supporteurs ont la mémoire longue et évitent de se voir trop beaux après avoir vu leur équipe descendre en EFL League One [la troisième division du championnat d'Angleterre] en 2005, puis végéter en EFL Championship [la deuxième division] pendant près de quinze ans. David Thomson est encore hanté par la défaite en demi-finale des play-offs de League One contre Yeovil en 2007 :
"Nous savons rester humbles, parce qu'après avoir connu de telles désillusions on ne prend plus rien pour acquis."
Les supporteurs du club expliquent ce retour au sommet grâce aux recrutements judicieux décidés par l'ancien entraîneur Steve Cooper après l'accession en Premier League en 2022 - un travail déterminant qui s'est ensuite poursuivi sous la houlette de Nuno Espírito Santo. Le soutien économique du propriétaire du club, Evangelos Marinakis, est un autre élément clé de la nouvelle ère du club. Seule ombre au tableau, le milliardaire grec, également propriétaire de l'Olympiakos, a été accusé de trucage de matchs et de trafic de drogue dans une affaire très médiatisée - même s'il nie tout en bloc et qu'il a porté plainte pour diffamation.
Pour l'heure, rares sont les experts qui incluent Nottingham Forest dans la course au titre. Nuno Espírito Santo a déclaré qu'il ne regardait même pas le classement général, et le fournisseur de données du championnat, Opta, évalue ses chances d'être couronné champion d'Angleterre à un triste 0 %. Mais les fans n'en ont cure : "Nous méritons notre troisième place, peu importe ce que disent les experts", abonde Lisa Fox, supportrice du club.
Les nombreuses victoires de cette saison ont un goût un peu amer pour Lisa Fox depuis qu'elle a perdu son père, en 2023. Après la dernière victoire à domicile, elle et sa fille ont trouvé la plaque commémorative à son nom dans la tribune Trent End du City Ground, avec sa fameuse phrase : "Ne rentre pas à la maison en disant qu'ils ont perdu."
"Nous surfons sur cette vague de succès tant que nous le pouvons, en espérant qu'elle ne s'achève pas mardi, conclut Lisa Fox. Allez Forest, ne rentrons pas chez nous en disant qu'ils ont perdu."
This article appeared in Courrier International (site web)