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samedi 25 janvier 2025 - 14:24:55 -0000 862 words

Une statue grecque antique a été retrouvée dans un sac-poubelle

Etienne Dumont

Opinion

Thessalonique –

Une statue grecque antique a été retrouvée dans un sac-poubelle

La police enquête. Il y a beaucoup à trouver dans le sous-sol de la ville, qui a inauguré en novembre dernier son archéo métro.

La statue en question, qui fait beaucoup parler d’elle ces jours.

Image diffusée par la police grecque.

La nouvelle a fait le tour des journaux et des sites. Elle le doit moins à la chose elle-même qu’aux circonstances. Vous l’avez donc peut-être lue, même si elle ne faisait pas les gros titres. Comme ce n’est pas forcément le cas, je vous raconte quand même cette histoire vieille de quelques jours. On a retrouvé à Thessalonique (alias Salonique), au nord de la Grèce, une statue antique. La découverte ne s’est pas produite sur un champ de fouille, serait-ce de sauvegarde. La figure féminine de marbre a été repérée par un homme de trente-deux ans dans un sac-poubelle noir. Comme ceux que vous utilisez probablement pour liquider vos déchets selon toutes les indications données par la voirie. Le découvreur est allé la porter aux autorités locales. La nouvelle ne précise pas comment. Un marbre haut de 80 centimètres, cela fait tout de même son poids.

Une œuvre hellénistique

Les experts mandatés se sont donc penchés sur cette sculpture acéphale (sans tête) de bonne qualité. Leur verdict est assez vite tombé. La pièce remonte à l’époque hellénistique s’étendant de la mort d’Alexandre le Grand, à la fin du quatrième siècle avant notre ère, à celle de Cléopâtre trois cents ans plus tard. Un temps de formidable expansion territoriale de l’art grec, qui a alors poussé jusqu’à l’Indus. Il ne s’agit donc ni d’une copie romaine, ni d’une production plus récente. Une étude plus approfondie est prévue. Une enquête aussi. Mais comment cette œuvre d’art a-t-elle pu finir dans une poubelle, signe évident que l’on voulait s’en débarrasser?

L’Hermès trouvé près de l’Acropole d’Athènes en décembre dernier. Une pièce de l’époque romaine.

DR.

La dépêche parle bien entendu de fouilles clandestines. On connaît l’antienne. Le trafic des objets archéologiques serait le troisième au monde après celui de la drogue et des armes, ce qui me semble un peu exagéré. Il existe bien davantage de consommateurs de coke que d’amateurs d’antiquités grecques, égyptiennes ou précolombiennes. Il y a une autre piste, plus sordide et donc moins glamour. C’est celui de la découverte gênante. A Thessalonique comme à Rome ou à Alexandrie, il suffit de creuser le sol pour trouver inopinément un antique. Seulement voilà! Le déclarer fera venir des archéologues. Le terrain se retrouvera indisponible pour des mois, si ce n’est des années voire au pire pour toujours. La tentation devient forte de ne rien dire. L’immeuble se construit motus bouche cousue. La route ne dévie pas de sa trajectoire. Tout ne peut pas se faire sous haute surveillance, comme la ligne C du métro romain. Le livre sur l’archéologie française d’Alain Schnapp et Jean-Paul Demoules, dont je vous parlais le 28 décembre, donne froid dans le dos.

Sur le chantier archéologique du métro de Thessalonique.

AFP

La dépêche se termine cependant sur deux notes positives. En décembre, à Athènes, des ouvriers posant des pipelines ont déniché une statue romaine d’Hermès enfouie verticalement dans une fosse tapissée de briques près de l’Acropole. Ici, la découverte s’est vue signalée. A Thessalonique même, la ligne de métro, ouverte en novembre dernier après avoir été décidée en 2003, a occasionné lors de son percement de multiples trouvailles dont une voie romaine pavée de marbre et 300 000 objets divers (1). Comme à Rome, on a donc aujourd’hui un archéo métro avec des vitrines montrant une infime partie de ces découvertes. Des découvertes effectuées par sondages. En suivant le hasard d’un tracé décidé à l’avance. Qu’y a-t-il encore à gauche ou à droite de ce qui n’a pas été exploré?

Les restes du palais byzantin, dont la conservation a fait l’objet d’une bataille autour de 2013.

Kostas Xenikakis., DR.

(1) Un palais byzantin du VIe siècle, dont subsistent d’imposantes structures, a bien failli disparaître dans l’aventure vers 2013. Prise entre les conservateurs du patrimoine et la nécessité d’une voie de communication rapide, la ville était alors prête à fermer les yeux. Il a fallu alerter l’opinion publique.

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Se connecterNé en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, droit. Juriste raté, il a bifurqué vers le journalisme. Le plus souvent aux rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève , en commençant par parler de cinéma. Sont ensuite venus les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.Plus d'infos

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