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disparitions, mardi 7 janvier 2025 - 06:51 UTC +0100 923 words
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January 9, 2025 - Le Monde

L’ex-premier ministre socialiste Costas Simitis, artisan de l’entrée de la Grèce dans la zone euro, est mort

Marina Rafenberg

Cofondateur du Pasok, puis chef du gouvernement de la Grèce de 1996 à 2004, Costas Simitis a permis à son pays de rejoindre l’union monétaire et de se moderniser. Il est mort le 5 janvier, à l’âge de 88 ans.

Costas Simitis, cofondateur du Parti socialiste grec (Pasok), et ancien premier ministre de 1996 à 2004, est mort dimanche 5 janvier, à l’âge de 88 ans, lors d’un séjour en famille dans sa résidence secondaire du Péloponnèse. Il était l’une des dernières grandes figures du socialisme grec, mis à mal depuis la crise de la dette des années 2010.

Face à la figure imposante et aux belles paroles d’Andréas Papandréou, président du Pasok depuis 1974 et par deux fois chef du gouvernement, Costas Simitis était plus discret et pragmatique. Les deux acolytes s’étaient rencontrés en exil en Allemagne, alors que les colonels étaient au pouvoir en Grèce (1967-1974).

Costas Simitis est issu d’une famille bien ancrée à gauche : son père, avocat, était résistant pendant l’occupation allemande, et sa mère une militante féministe connue. Dès sa jeunesse, il manifeste contre les gouvernements de droite, plus particulièrement contre la junte militaire. Il ira même jusqu’à poser des engins incendiaires contre la dictature, ce qui l’oblige à fuir en Allemagne en 1969 pour échapper à la police.

En 1974, à la chute de la junte militaire, il cofonde le Pasok avec Andréas Papandréou. Les deux hommes n’entretiennent pas toujours de bonnes relations : Costas Simitis est sur une ligne plus réformiste et pro-européenne, d’où son surnom de « Rocard grec ». Au ministère de l’économie, il tente de réduire les déficits et de mener une politique budgétaire visant à la stabilité du pays, mais Andréas Papandréou ne veut pas réduire les bénéfices de certaines catégories socioprofessionnelles acquises à sa cause et nécessaires aux futures victoires électorales du Pasok.

En 1996, alors qu’Andréas Papandréou est hospitalisé – il mourra peu de temps après –, Costas Simitis est désigné comme président du Pasok et élu, ensuite, premier ministre. Lors de son mandat, il se bat pour améliorer les performances économiques et financières de la Grèce afin qu’elles soient conformes aux critères du traité de Maastricht, permettant ainsi que le pays puisse rejoindre la zone euro. En janvier 2001, c’est chose faite : la Grèce devient le douzième Etat membre de l’union monétaire.

Hommage de la classe politique grecque

Costas Simitis a aussi contribué à assurer la tenue des Jeux olympiques d’Athènes en 2004 et a mené un vaste programme de construction d’infrastructures, comprenant le nouvel aéroport international, le périphérique d’Athènes et deux lignes de métro. Il a également aidé la République de Chypre à adhérer à l’Union européenne (UE) en 2004.

En 2008, le leader socialiste est exclu du Pasok par le fils d’Andréas Papandréou, George Papandréou, alors qu’il était en désaccord sur l’idée de ce dernier d’organiser un référendum sur le traité européen de Lisbonne. Il met un terme à sa carrière politique l’année suivante.

Mais avant, visionnaire, il avait averti à la tribune du Parlement du danger qui guettait le pays en raison des déficits publics, prévenant que le recours à des prêts auprès du Fonds monétaire international (FMI) serait « une évolution humiliante pour la Grèce ». En 2010, le pays conclut un accord avec l’UE et le FMI pour assurer sa survie financière et perd près de 25 % de son produit intérieur brut durant huit années marquées par des mesures d’austérité.

Depuis la crise, Costas Simitis se faisait discret sur la scène politique. Certains adversaires politiques lui reprochaient d’avoir précipité l’entrée de la Grèce dans la zone euro et d’avoir été membre de gouvernements dans lesquels figuraient nombre de personnalités impliquées dans d’importantes affaires de corruption.

Lors de ses dernières apparitions publiques, M. Simitis avait souligné que « les opportunités dans la vie, mais aussi dans les partis, ne sont pas infinies et que le Pasok se doit encore de jouer encore un rôle important ». Un vœu pieux ? Tombé à 5 % pendant la crise économique, le parti se redresse lentement, à la faveur du délitement de la gauche radicale (Syriza), mais ne dépasse pas les 16 % d’intentions de vote. Il est bien loin le temps de la Grèce bipartite où le Pasok rassemblait à lui seul près de 40 % des suffrages.

Le chef du gouvernement conservateur, Kyriakos Mitsotakis, qui a décrété, samedi, quatre jours de deuil national, a rendu hommage à un homme politique qui « a accompagné la Grèce dans ses grandes étapes nationales : l’entrée dans la zone euro et [celle] de Chypre dans l’Europe ». L’ex-premier ministre de gauche, Alexis Tsipras, a, quant à lui, salué « un dirigeant qui a pris des décisions cruciales qui ont déterminé le cours de la Grèce moderne ». La présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, a évoqué sur le réseau social X un « leader dont l’héritage occupe une place particulière tant sur la scène politique grecque qu’européenne ».

Costas Simitis en quelques dates

23 juin 1936 Naissance à Athènes

1974 Participe à la création du Pasok, à la chute de la dictature des colonels.

1985 Entre au Parlement

1996-2004 Premier ministre de la Grèce

5 janvier 2025 Mort à Agii Theodori (Corinthie).

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