Le Bien Public
Edition de Dijon
Actu | dijon, jeudi 23 janvier 2025 613 words, p. DIJO11

Dijon

Girard, Godran, Morisot… ces auteurs dijonnais oubliés, traduits du latin

Anne-Françoise Bailly

Professeure de latin à l’université de Bourgogne, Sylvie Laigneau-Fontaine a entrepris un vaste travail qui vise à faire redécouvrir les auteurs bourguignons ayant écrit en latin. Parmi eux, figurent plusieurs Dijonnais, dont Charles Godran, membre de la prestigieuse famille Godran ayant donné son nom à une rue.

Professeure de latin à l’université de Bourgogne, Sylvie Laigneau-Fontaine, 61 ans, a monté depuis 2020 un projet soutenu par le conseil régional autour de l’humanisme bourguignon et « tous ces auteurs qui, aux XVIe et XVIIe  siècles, ont écrit en latin ou en grec, et que l’on a complètement oubliés », pointe cette enseignante, le remarquant : « Au mieux, ils sont devenus des noms de rues, tel Godran. » Il faut dire que l’intérêt pour la littérature provinciale de cette époque est plutôt récent : « Sainte-Beuve se moquait, dans les Nouveaux Lundis (1865), des “exhumations toutes provinciales” et estimait que tous ces auteurs modestes du XVIe  siècle n’étaient qu’“humus et […] détritus végétal, de ces feuilles accumulées et entassées, qu’on ne se distingue pas, si l’on ne se baisse” et qu’il était totalement inutile de les faire connaître. »

Les traduire et les faire connaître

Une époque totalement révolue puisqu’avec une équipe de collègues et d’étudiants, Sylvie Laigneau-Fontaine s’est attachée à traduire ces auteurs locaux pour les présenter et les faire découvrir. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a des textes amusants ! » note l’érudite qui cite en exemple Jean Girard (1518-1586), avocat au barreau de Dijon. Dans Nouvelle Métamorphose des neuf muses, celui-ci imagine que les muses grecques, lassées des guerres qui ravagent leur pays, émigrent en France et s’installent dans la ville dont il est originaire : Auxonne, « où elles seront hélas transformées en rocher par Midas, le roi légendaire qui se vengeait ainsi des oreilles d’ânes dont Apollon l’avait gratifié ».

L’illustre famille Godran

Également tiré de l’oubli : Charles Godran ( ?-1577), qui fut chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon et membre de la prestigieuse famille Godran  : vers la fin du XVIe  siècle, celle-ci compta Odinet Godran, président et garde des sceaux du parlement de Bourgogne, qui fit construire un collège, « plus tard repris par les jésuites. Il eut parmi ses élèves Bossuet , Buffon, Crébillon, Daubenton , De Brosses, La Monnoye et Piron. Ce collège est aujourd’hui devenu la bibliothèque municipale  », relève Sylvie Laigneau-Fontaine, qui le précise : « Charles Godran écrivit diverses tragédies bibliques, dont une Suzanna sur l’épisode de Suzanne et les vieillards, et un Misterium Evangelicum sur le récit des tentations du Christ dans l’Évangile selon saint Matthieu. »

Parmi les autres auteurs dépoussiérés : Claude-Barthélemy Morisot (1592-1651), avocat à Dijon, « qui eut l’idée de continuer Les Fastes du poète latin Ovide. Cette œuvre est un calendrier des fêtes romaines, mois par mois ; exilé par l’empereur Auguste, Ovide n’a eu le temps de rédiger que les six premiers mois de l’année. Morisot prit sa suite et décrivit les fêtes romaines des six derniers mois ».

Sachez ainsi qu’en matière d’humanisme bourguignon, la ville de Dijon a connu « une activité éditoriale en latin et grec très forte durant les XVIe et XVIIe  siècles en raison des nombreuses institutions religieuses dans la ville, de la forte présence de parlementaires ou d’aristocratie “tombée dans la robe”, du goût des élites pour le passage d’une langue à l’autre, et de la présence de nombreux vestiges et lieux de mémoire antiques sur le territoire ».