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dimanche 5 janvier 2025 - 16:46 UTC +01:00 504 words

Culture ; Musique ; Culture

Trente-cinq ans de bataille pour une Cité de la musique complète

Christian Merlin

Si le site de la Villette, inauguré il y a trente ans, est depuis dix ans assorti d’une grande salle symphonique, c’est en partie grâce au lobbying de Pierre Boulez.

François Mitterrand est élu président de la République le 10 mai 1981, et, dès septembre, son ministre de la Culture, Jack Lang, annonce le projet d’une « cité internationale de la musique ». Objectif : y réunir « un Opéra, un auditorium géant, un conservatoire, des salles de concert et de musique, des classes et studios d’étude, le musée instrumental hérité de la rue de Madrid, une médiathèque, des logements étudiants et même des luthiers, libraires et disquaires ». Le tout sur le site de la Villette. Lang considère d’emblée comme une évidence de consulter Pierre Boulez, personnalité la plus influente du monde musical. Ce dernier n’y voit que des avantages : trouver une résidence pour deux formations nomades, son propre Ensemble Intercontemporain et l’Orchestre de Paris de son ami Daniel Barenboïm, rapprocher l’enseignement de la pratique professionnelle, remplacer le Palais Garnier, que Boulez juge depuis longtemps inadapté.

Mais, lorsque le concours d’architecture est lancé en 1984, n’y figurent ni l’Opéra ni la grande salle de concert ! Mitterrand a préféré la place de la Bastille pour le premier, et la seconde est reportée aux calendes grecques pour raisons budgétaires. Furieux, Boulez estime le projet vidé de sa substance. Pour gagner sa neutralité bienveillante, on lui promet une salle modulable à l’Opéra Bastille, dédiée à la création. Celle-ci ne voyant pas non plus le jour, toujours pragmatique, il consacre toute sa combativité à la Cité de la musique, au prix d’accrochages, tant avec le gouvernement de la première cohabitation qu’avec le directeur de la musique Michel Schneider, qui finira par démissionner.

La Cité de la musique est inaugurée le 12 janvier 1995. La première directrice est une fidèle de Boulez, Brigitte Marger , qui s’acquitte avec les honneurs de la tâche de la mettre sur les rails. Boulez dirige le concert d’ouverture mais n’hésite pas à exprimer sa frustration : sans grand auditorium, c’est pour lui une « cité unijambiste ». Ce qui ne l’empêche pas de tirer le maximum de cet outil incomplet mais riche de potentialités. Il n’abandonnera toutefois jamais l’idée d’une grande salle symphonique : retiré de l’action publique après 1997, il se fera lobbyiste auprès des politiques et de l’opinion, confiant les commandes à Laurent Bayle, véritable fondateur de la Philharmonie. C’est donc vingt ans après son inauguration que la « cité unijambiste » marche enfin sur deux jambes, grâce à l’édifice de Jean Nouvel. Lorsque la Philharmonie est inaugurée le 14 janvier 2015, Boulez, malade, n’est plus en mesure de se déplacer, mais il aura au moins eu la satisfaction de savoir achevée la grande salle moderne pour laquelle il militait depuis trente-cinq ans à Paris.

Voir aussi :

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